Assomption et dormition de la Vierge Marie
Dormition et Assomption de la Vierge Marie désignent deux moments successifs de sa fin de vie terrestre.
Sa Dormition marque sa fin de vie terrestre proprement dite. Elle est caractérisée par un sommeil plutôt qu'une mort, d'où le terme "dormition" (du latin "dormire" qui signifie "dormir"). On emploie aussi le terme de "passage". Cet événement affirme que Marie n'a pas connu la corruption du tombeau. Il est particulièrement célébré dans la tradition orthodoxe.
Son Assomption est l'affirmation qu'après sa fin de vie terrestre, la Vierge Marie a été élevée corps et âme au Ciel. Cette croyance est principalement répandue dans l'Église catholique romaine[1], où elle est considérée comme un dogme de foi depuis la proclamation par le pape Pie XII le 1er novembre 1950[2].
Les circonstances de la fin de vie de la Vierge Marie ne sont pas rapportées par les Évangiles, mais par une tradition bien établie.
Dans la Tradition
Jusqu'au milieu du IVème siècle, on n'avait aucun texte sur le fin de vie de la Vierge Marie. La première source est celle de Saint Épiphane (310- 403) qui écrivait : "Nous ne savons ni la mort de Marie, ni si elle est morte. […] Je ne dis pas qu'elle demeura immortelle, mais je ne décide pas non plus qu'elle est mortelle"[3]. Ce Père, notait Mgr Laurentin, très au courant de toutes les traditions de Terre Sainte, ne saurait dire plus clairement qu’il ignore tout de la fin de Marie. Il ne parle ni de Dormition, ni d'Assomption, mais il estime que l’Esprit Saint nous a caché ce mystère pour ne pas frapper les esprits par la "grandeur du prodige"[4]".
Les récits apocryphes du passage de Marie au ciel (Transitus Mariæ) fleurissent principalement au milieu du Vème siècle, époque du Concile d'Éphèse (431) et de celui de Chalcédoine (451) où Marie est proclamée "Théotokos" (Mère de Dieu). Bien que rangés parmi les apocryphes, ces récits ont continué à jouir d'une grande influence : St Germain de Constantinople (+ 733) et surtout St Jean Damascène (vers 676 - 753) y font référence.
Certains récits la font mourir à Éphèse (Anne-Catherine Emmerich), d'autres à Jérusalem (Marie d'Ágreda), selon la tradition la plus répandue. Le corps est déposé dans une sépulture d'où Marie resuscite avant d'être enlevé au Ciel. Ses funérailles avaient été suivies par les apôtres accourus, pour l'occasion, des terres où ils avaient été dispersés.
Dans Maria Valtorta
Le récit de Maria Valtorta respecte, avec des différences notables, les trois évènements successifs de la Tradition :
- la Dormition,
- l'Assomption,
- la Glorification.
Les dates
Jésus précise dans une dictée, que sa Mère a vécu vingt et un ans après l'Ascension[5]. Sa dormition a donc eu lieu en 51. Marie avait alors 70 ans[6]. En rapprochant les précisions de Marie d'Ágreda et de Maria Valtorta, Jean-François Lavère fixe la dormition au samedi 12 août dans la soirée[7]. Seul Jean est présent et il ne veut pas croire que la mort puisse atteindre Marie. "Tu es dans l’erreur, Jean. Mon Fils est mort ! Moi aussi, je mourrai. Je ne connaîtrai pas la maladie, l’agonie, le spasme de la mort. Mais pour ce qui est de mourir, je mourrai[8]."
Le corps, veillé par Jean, reste ainsi jusqu'au mardi 15 août 21 au matin où les anges viennent prendre le corps de Marie et l’emporte. Réveillé par le son des anges, Jean se réveille et court sur la terrasse où il voit l’ascension de Marie et son corps glorifié reprendre vie à la rencontre de Jésus qui descend dans sa gloire[9].
Les circonstances
Ces évènements se passent à Gethsémani où Marie vit avec Jean depuis l'Ascension. Jean, le seul témoin de sa mort, recueille le long testament spirituel de Marie puis récite, à la demande de Marie, les psaumes et les pages de l'Écriture qui se rapporte à elle. Pendant ce temps, "pleine de jubilation" elle meurt en "contemplant Dieu et en sentant son embrassement". Jean, effondré, reste prostré mais convaincu que le corps de Marie ne connaîtra pas la corruption Il entoure le corps de fleurs et de branches d'olivier et la veille pendant quelques jours, persuadé de sa résurrection[10].
Jean, écroulé de fatigue par trois jours sans sommeil, ne voit pas des créatures angéliques enlever le corps de Marie et l'emmener inerte au Ciel. Le toit de la maisonnette de Gethsémani a disparu. Il a le temps de voir le prodige et d'assister à la rencontre de Marie ressuscitée et de Jésus[11].
Le lieu
Il n'y a plus de traces terrestres du lieu de l'AssomptionLa maison, d’où je suis montée au Ciel, était une des innombrables générosités de Lazare, pour Jésus et sa Mère. La petite maison du Gethsémani, près du lieu de son Ascension. Inutile d’en chercher les restes. Dans la destruction de Jérusalem par les romains, elle fut dévastée et ses ruines furent dispersées au cours des siècles[12]."Il n'y a pas non plus de tombeau :
"Marie est venue à Moi (Jésus), à Dieu, au Ciel, sans connaître le tombeau avec sa pourriture horrible et lugubre. C’est un des miracles les plus éclatants de Dieu. Pas unique, en vérité, si on se rappelle Hénoch et Élie qui, étant chers au Seigneur, furent enlevés à la Terre sans connaître la mort et furent transportés autre part en un lieu connu de Dieu seul et des célestes habitants des Cieux. Ils étaient justes, mais toujours un rien par rapport à ma Mère, inférieure, en sainteté, seulement à Dieu. C’est pour cela qu’il n’y a pas de reliques du corps et du tombeau de Marie, car Marie n’a pas eu de tombeau et son corps a été élevé au Ciel[13]."
"Ai-je été morte ?"
Marie, dans un commentaire, précise les circonstances de sa mort qui la relie au "passage de la Terre au Ciel" tel qu'il avait été conçu pour l'Homme exempt de la Faute originelle et dont elle bénéficie par son Immaculée conception et sa vie exempte de tous péchés :"Ai-je été morte ? Oui, si on veut appeler mort la séparation d’avec le corps de la partie noble de l’esprit. Non, si par mort on entend la séparation d’avec le corps de l’âme qui le vivifie, la corruption de la matière qui n’est plus vivifiée par l’âme, et d’abord le caractère lugubre du tombeau et, d’abord parmi toutes ces choses, la douleur de la mort. Comment je suis morte, ou plutôt comment je suis passée de la Terre au Ciel, d’abord avec la partie immortelle, puis avec celle qui est périssable ? Comme il était juste pour Celle qui n’a pas connu la tache de la faute[14]."
Les points remarquables
- L'assomption de Marie n'est pas un fait unique dans la Bible. Jésus le rappelle : ce fut le cas d'Hénoch[15] et d'Élie[16]. Jésus précise aussi "qu'Ils étaient justes, mais toujours un rien par rapport à ma Mère, inférieure, en sainteté, seulement à Dieu" (cf. supra).
- Marie est morte d'amour et elle l'explique :
Nous parlions (avec Jean) de Jésus, du Père, du Royaume des Cieux. Parler de la Charité et du Royaume de la Charité, c’est s’enflammer d’un feu vivant, consumer les liens de la matière afin de libérer l’esprit pour ses vols mystiques. Et si le feu est retenu dans les limites que Dieu met pour conserver les créatures sur la Terre à son service, on peut vivre et brûler, en trouvant dans son ardeur non pas un épuisement mais un achèvement de vie. Mais quand Dieu enlève les limites et laisse au Feu divin la liberté de pénétrer et d’attirer à Lui l’esprit sans aucune mesure, alors l’esprit, à son tour en répondant sans mesure à l’Amour, se sépare de la matière et il vole là où l’Amour le pousse et l’invite. Et c’est la fin de l’exil et le retour à la Patrie.
Ce phénomène est attesté par les expériences mystiques de Padre Pio et Ste Thérèse de Lisieux. Ils racontent séparément, mais en des termes quasi identiques, que l'intensité de l'amour fut tel qu'il s'en fallut de peu qu'ils n'en meurent[17]. St Alphonse de Liguori atteste par ailleurs que Marie est morte d'amour[18].
- Jésus développe la tripartition de l'Homme en corps, âme et esprit (EMV 651.17) évoquée par St Paul[19] et mentionnée dans le Catéchisme de l'Eglise catholique[20]. Dans le corps, il y a l'âme et dans l'âme, il y a l'esprit. Si l'âme se sépare du corps, c'est la mort, mais si l'esprit s'évade de l'âme, c'est l'extase.
- Cette affirmation sur la composition tripartite de l’Homme (corps, âme, esprit) est développée par Maria avant les visions, dès son Autobiographie (page 352.). Plus particulièrement, la différence entre la mort et l’extase, développée ici en date du 1er mai 1946, est reprise plus tard par Azarias (Les Cahiers de 1945 à 1950, 1er mai 1948, page 475). Ces affirmations font partie des approfondissements théologiques de Maria Valtorta qui contribuent à expliquer la mystique comprise comme domaine de la vie en Dieu. Elles aident à comprendre par exemple qu'une âme immortelle peut-être morte ou que le "Royaume de Dieu" est en nous. Cela explique logiquement les visions et les révélations : "Plus la créature aime Dieu et le sert de toutes ses forces et possibilités, et plus la partie la plus excellente de son esprit augmente sa capacité de connaître, de contempler, de pénétrer les éternelles vérités (EMV 651.17)."
Notes et références
- ↑ "La Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l'univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs (cf. Apocalypse 19,16), victorieux du péché et de la mort". Constitution dogmatique Lumen Gentium § 59.
- ↑ Encyclique Munificentissimus Deus, en français | sur le site du Vatican.
- ↑ Saint Épiphane de Salamine - Panarion ou Adversus Haereses (Contre les hérésies), Chapitre 79 (ou 78 dans certaines éditions), intitulé "Collyridiens". Ce passage est discuté dans le contexte de la dévotion mariale et de l'hérésie des Collyridiens, un groupe qui rendait un culte excessif à Marie.
- ↑ René Laurentin, François-Michel Debroise, La vie de Marie d'après les révélations des mystiques, p. 213, Presses de la Renaissance 2011
- ↑ EMV 41.12.
- ↑ Cette précision de Maria Valtorta se retrouve dans les visions de Marie d'Ágreda : La Cité mystique de Dieu, Livre 8, chapitre 19, § 740.
- ↑ Jean-François Lavère - Enquête sur la datation de la vie de Jésus, p. 101, CEV 2021.
- ↑ EMV 649.10.
- ↑ EMV 650.2/4.
- ↑ EMV 649.19.
- ↑ EMV 650.4.
- ↑ EMV 651.8.
- ↑ EMV 651.6.
- ↑ EMV 651.1.
- ↑ Genèse 5,21-24. La lettre aux Hébreux le mentionne (Hébreux 11,5). On lui attribue un livre apocryphe que Jude cite dans sa lettre (Jude 1,14).
- ↑ Élie fut enlevé au Ciel dans un char de feu sous les yeux d'Élisée (2 Rois 2,11-12).
- ↑ - "Ma Mère, des transports d’amour, j’en ai eu beaucoup, spécialement une fois à l’époque du noviciat, et je restais alors une semaine entière comme hors de ce monde [...] tandis que, le jour dont je parle, un instant, une seconde plus, et mon âme se serait séparée de mon corps…" Sainte Thérèse de Lisieux, "Histoire d'une âme", Manuscrit C, Chapitre 11. - "J’ai vécu bon nombre de ces élans passionnés d’amour, et je suis resté pendant un certain temps comme hors de ce monde. Les autres fois, ce feu a été moins intense, mais cette fois-ci, un instant, une seconde de plus, et mon âme se serait séparée de mon corps… elle serait partie avec Jésus." Padre Pio, Lettre du 26 août 1912, au Père Agostino de San Marco in Lamis.
- ↑ "C’est le sentiment commun des Docteurs et des Saint Pères que l’amour seul causa la mort de Marie. Elle devait, dit Saint Ildephonse, ou ne pas mourir, ou mourir d’amour." St Alphonse de Liguori, Les gloires de Marie, p. 305, Ed. St Paul, 1997.
- ↑ 1 Thessaloniciens 5,23.
- ↑ CEC § 367 : "Parfois il se trouve que l’âme soit distinguée de l’esprit. Ainsi Saint Paul prie pour que notre "être tout entier, l’esprit, l’âme et le corps" soit gardé sans reproche à l’Avènement du Seigneur (1 Thessaloniciens 5,23). L’Église enseigne que cette distinction n’introduit pas une dualité dans l’âme. "Esprit" signifie que l’homme est ordonné dès sa création à sa fin surnaturelle, et que son âme est capable d’être surélevée gratuitement à la communion avec Dieu"