Béatitudes, bienheureux
Les Béatitudes tirent leur nom du latin beatitudo (le bonheur) et font partie du grand sermon inaugural de Jésus que Matthieu et Luc rapportent de façon différente (Matthieu 5,1-12 - Luc 6,20-26) :
- Matthieu rapporte neuf béatitudes et Luc cinq, qu’il complète par quatre opposés ("Malheureux êtes-vous") qui se répondent mutuellement : Pauvres/riches ; affamés/repus ; pleurs/rires ; Haine,insultes/disent du bien. Il n’évoque pas quatre béatitudes de Matthieu : les doux, les miséricordieux, les purs, les pacifiques.
- D’autre part Matthieu emploie un langage plus spirituel que Luc qui parle dans un sens plus matériel de la faim, des pleurs et des insultes. Matthieu parle du “royaume des Cieux” (expression unique à cet évangile) quand Luc parle du “royaume de Dieu”.
- Matthieu situe le discours de Jésus sur une montagne (Matthieu 5,1) et Luc dans une plaine (Luc 6,17).
Les béatitudes répondent au désir naturel de bonheur. Ce désir est d’origine divine : Dieu l’a mis dans le cœur de l’homme afin de l’attirer à Lui qui seul peut le combler. Et pour ce faire, Dieu nous appelle à sa propre béatitude. (CEC § 1718 – 1719). " Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux" conclut l'Évangile (Matthieu 5,12). Est bienheureux celui qui possède le Royaume de Dieu dans l'éternité, et en jouit comme les prémices sur terre par son union à Jésus-Christ.
Dans Maria Valtorta
Alors que les récits des évangélistes occupent 20 versets (13 chez Matthieu, 7 chez Luc), le récit de Maria Valtorta s’expose sur 7 pages (EMV 170). C’est un des nombreux exemples où le descriptif qu’en fait Maria Valtorta restitue, dans leur cohérence, des récits évangéliques apparemment contradictoires. En effet :
- Ce discours se situe dans un lieu à la fois "plaine" et "montagne". Ce lieu a été identifié comme les Cornes d’Hattin situées en bordure de la Via Maris, une route commerciale déjà citée par Isaïe[1] . C’est le véritable lieu des Béatitudes[2], conjuguant à la fois la "montagne" décrite en Matthieu 5,1 et la "plaine (ou terrain plat)" citée par Luc 6,17 .
- L’enseignement est à but spirituel, mais s’appuie sur la vie matérielle telle qu'elle est vécue par les auditeurs.
- Dans son développement, Jésus fait un parallèle entre la loi de grâce et de miséricorde qu’il vient inaugurer et la loi qu’il accomplit des dix commandements assortis d’avertissements sévères[3].
- Le Royaume des Cieux (le Paradis) est bien la récompense décrite, mais Jésus emploie une fois le terme "Royaume de Dieu" non comme équivalent du Paradis, mais pour indiquer l’union de Dieu avec les cœurs purs.
Dans "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé"
Les béatitudes
Comme le laisse supposer la longueur et la densité du Sermon sur la montagne rapporté par Matthieu (chapitres 5 à 7 en entiers), l'enseignement de Jésus se déroule sur six jours dans Maria Valtorta. Il est donné près du lac de Tibériade au printemps de la 2ème année de vie publique (sans doute mars/avril). Les béatitudes sont données au second sermon (EMV 170), après un enseignement préliminaire sur la mission des apôtres et des disciples.
Alors que l'on connaît la formulation "Bienheureux êtes-vous…" qui met une distance entre le Maître qui enseigne et ceux qui écoutent, Jésus emploie ici le "Je" qui l’inclut comme pratiquant lui-même les béatitudes qu’il enseigne. On retrouve ci-dessous les neuf Béatitudes de Matthieu 5,3-11, dans l'ordre où l'évangéliste nous les a transmises, mais dans une formulation qui n'est manifestement pas une simple retranscription du texte biblique.[...] Quand, par mon intermédiaire je vous aurai amené à mon Père, et que par l'effusion de mon sang et par ma douleur vous serez devenus purs et forts, la Grâce reviendra en vous vivante, éveillée, puissante et vous serez des triomphateurs, si vous le voulez.Dieu ne vous fait pas violence dans votre pensée ni non plus dans votre sanctification. Vous êtes libres. Mais Il vous rend la force. Il vous délivre de la domination de Satan. À vous de reprendre le joug infernal, ou de mettre à votre âme des ailes d'ange. Tout dépend de vous pour me prendre comme frère pour que je vous guide et vous nourrisse d'une nourriture immortelle.
"Comment conquérir Dieu et son Royaume en suivant une autre voie plus douce que la voie sévère du Sinaï?" dites-vous.
Il n'y a pas d'autre chemin, il y a celui-ci. Mais cependant ne le regardons pas sous le jour de la menace, mais sous le jour de l'amour. Ne disons pas: "Malheur si je ne fais pas ceci!" en restant tremblants dans l'attente du péché, de n'être pas capable de ne pas pécher. Mais disons: "Bienheureux serai-je si je fais ceci" et avec un élan de joie surnaturelle, joyeux, élançons-nous vers ces béatitudes, qui naissent de l'observation de la Loi comme les roses naissent dans un buisson épineux.
Regardons ainsi le chemin du salut à travers la joie des saints.
- Bienheureux si je suis pauvre en esprit, car alors le Royaume des Cieux est à moi !
- Bienheureux si je suis doux, parce que j'aurai la Terre en héritage !
- Bienheureux si je suis capable de pleurer sans me révolter, car je serai consolé !
- Bienheureux si plus que du pain et du vin qui rassasient la chair, j'ai faim de justice. La Justice me rassasiera !
- Bienheureux si je suis miséricordieux, car je profiterai de la divine miséricorde !
- Bienheureux si je suis pur de cœur, car Dieu se penchera sur mon cœur pur, et moi je Le verrai !
- Bienheureux si j'ai l'esprit de paix, car Dieu m'appellera son fils, car je serai dans la paix et dans l'amour, et Dieu est l'Amour qui aime celui qui est semblable à Lui !
- Bienheureux si, par fidélité à la justice, je suis persécuté parce que pour me dédommager des persécutions de la terre, Dieu me donnera le Royaume des Cieux !
- Bienheureux si on m'outrage et si on m'accuse à tort pour savoir être ton fils, ô Dieu! Ce n'est pas la désolation mais la joie que cela doit m'apporter, car cela me mettra au niveau de tes meilleurs serviteurs, les Prophètes, qui furent persécutés pour la même raison et avec lesquels je crois fermement que je partagerai la même récompense, grande, éternelle, dans le Ciel qui m'appartient !"
Dans les autres chapitres
- Dans le Royaume des Cieux seront bienheureux ceux qui auront honoré le Seigneur avec vérité et justice [...] C'est à ceux-là qu’appartient le Royaume des Cieux EMV 109
- Bienheureux ceux qui verront également ce que vous voyez. Car je vous assure que beaucoup de prophètes et de rois ont désiré ardemment voir ce que vous voyez et ne l'ont pas vu (Matthieu 13,16-17) EMV 280
- Dans mes diverses béatitudes j'ai énoncé ce qui était nécessairement requis pour les atteindre, et les récompenses qui seront données à ces bienheureux. Mais si les catégories que j'ai nommées sont différentes, la récompense est la même si vous regardez bien : jouir des mêmes choses dont jouit Dieu. 6.108 (ancienne édition seulement)
Dans les autres ouvrages de Maria Valtorta
Les Cahiers de 1943
- Oh ! Béatitude des béatitudes trop peu connue : vivre avec moi qui sais aimer ! Si Pierre s’écria sur le mont Tabor, uniquement parce qu’il me vit transfiguré : ‘Seigneur, qu’il fait bon d’être ici avec vous’, que devrait dire l’âme qui a été elle-même transfigurée en devenant une molécule de mon cœur de Dieu ? (12 août)
- Les béatitudes que j’ai proclamées, vous les aurez dès cette terre si vous faites la volonté de votre Père. Ensuite, au Ciel, elles seront soixante-dix fois plus grandes, parce qu’alors rien n’entravera votre fusion en Dieu. (18 septembre)
- Les sept béatitudes qui s'opposent aux épreuves (25 décembre)
Dans les textes fondamentaux chrétiens
Dans le catéchisme de l'Église catholique
1716 Les béatitudes sont au cœur de la prédication de Jésus. Leur annonce reprend les promesses faites au peuple élu depuis Abraham. Elle les accomplit en les ordonnant non plus à la seule jouissance d’une terre, mais au Royaume des Cieux :
- Bienheureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des cieux est à eux.
- Bienheureux les doux, car ils possèderont la terre.
- Bienheureux les affligés, car ils seront consolés.
- Bienheureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés.
- Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
- Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
- Bienheureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
- Bienheureux les persécutés pour la justice, car le Royaume de Dieu est à eux.
- Bienheureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi.
- Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux (Mt 5, 3-10).
Points en débat
Dans son discours préliminaire, Jésus proclame :"La Grâce c'est l'amour. La Grâce, par conséquent, c'est Dieu. C'est Dieu qui en s'admirant dans la créature qu'Il a créée parfaite s'y aime, s'y contemple, s'y désire, se donne ce qui est sien pour multiplier son avoir, pour jouir de cette multiplication, pour s'aimer en tant d'êtres qui sont d'autres Lui-Même".Et un peu plus loin :
"Divines, divines, divines citernes de L'Amour ! C'est ce que vous êtes, et à votre être n'est pas donnée la mort, car vous êtes éternels comme Dieu, étant dieu. Vous existerez et votre être ne connaîtra pas de fin, parce qu'immortels comme les esprits saints qui vous ont suralimentés, en revenant en vous enrichis de vos propres mérites. Vous vivez et nourrissez, vous vivez et enrichissez, vous vivez et formez cette très sainte chose qui est la Communion des esprits, depuis Dieu, Esprit Très Parfait, jusqu'à ce tout petit qui vient de naître qui prend pour la première fois le sein maternel."Étant dieux : sur une copie dactylographiée, Maria Valtorta renvoie au Psaume 81,6 (Hébreu 82) | Romains 8,16 | 2 Pierre 1,4. Elle explique par la note suivante l’expression tant d’êtres qui sont d’autres lui-même employée un peu plus haut :
"Saint Thomas d’Aquin dit justement que Dieu n’aurait pu faire de plus grandes œuvres divines que les trois qu’il a faites : l’incarnation de son Fils, la Maternité de la Vierge et la déification de l’âme humaine. Et saint Augustin écrit : “Les âmes sont divinement associées, par l’intermédiaire du Père, au mystère de la génération éternelle, et par le Père et le Fils, à la spiration de l’Esprit Saint (ndlr : Acte par lequel le Saint Esprit procède du Père et du Fils, dans la Trinité chrétienne).” Par conséquent, l’âme déifiée par la grâce est divinisée par participation aux trois Personnes divines : c’est là le chef-d’œuvre de l’Amour infini qui nous élève de l’état de créature à celui de créatures divinisées."Ce commentaire de Maria Valtorta a été fait ultérieurement alors qu'elle relisait, en vue de sa publication, la vision initiale (qu'elle ne corrigeait jamais). Cependant la citation de St Thomas d'Aquin n'est pas littérale bien que pertinente. Arnaud Dumouch, spécialiste du "Docteur angélique" répond à ce sujet : "J'ai déjà entendu cette citation venant de saint Thomas d'Aquin mais je n'ai jamais pu la retrouver dans la totalité de ses œuvres : il est donc possible qu'elle soit apocryphe même si elle est tout à fait intelligente". De même la citation de St Augustin semble extraite de son ouvrage "De Trinitate" (La Trinité), mais de plusieurs chapitres[4]. Il s'agit donc de la citation d'un auteur de référence parlant de ces sujets. La consultation des livres composant sa bibliothèque[5] dirige sur l'ouvrage très connu à l'époque de Mgr Francesco Olgiati (1886-1962) : Il sillabario del Cristianesimo. Il fut surnommé "l'apôtre du surnaturel.*
Notes et références
- ↑ Isaïe 8,23 : "novissimo adgravata est via maris trans Iordanem Galileae gentium (il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée des nations)".
- ↑ Voir la note de Jean-François Lavère. Voir aussi le livre de Severino Caruso L'expérience d'Hattin - Le sermon sur la montagne et les Béatitudes (CEV 2023) issu d'une expérience de pèlerinage en Terre sainte à la suite de Maria Valtorta.
- ↑ Exode 20,1-17 | Deutéronome 5,6-21.
- ↑ Livre XV, chapitres 17 à 20 . St Augustin y traite de la manière dont les âmes sont unies à Dieu et de la contemplation du mystère trinitaire. Ainsi que du Livre V, chapitre 15 du même ouvrage où il explique la relation de procession entre le Père et le Fils, et la spiration du Saint-Esprit.
- ↑ Maria Valtorta en dressa la liste qui a été publiée dans "i miei libri, le mie letture (mes livres, mes lectures)", centro editoriale valtortiano, 2021. Le livre de Mgr F.Olgiati figure à la page 49.