L'Homme est corps, âme et esprit
"Dans le corps il y a l’âme et dans l’âme il y a l’esprit[1]."Elle affirme donc que l’Homme est composé d'un corps, d’une âme et d’un esprit. Cette tripartition n’est pas une idée nouvelle, mais elle demeure une vérité peu répandue. En effet, seul saint Paul l’exprime clairement, et ce, brièvement, dans l’une de ses épîtres : "Que le Dieu de paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et que tout ce qui est en vous, l'esprit, l'âme et le corps, se conserve sans reproche jusqu'au jour de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ ![2]".
Maria Valtorta précise les rôles et les caractéristiques de chacune de ces composantes, tout en exerçant des choix parmi les hypothèses généralement formulées à leur sujet. Toutefois, c’est dans l’exploration de "l’esprit" qu’elle pousse sa réflexion le plus loin, ouvrant la porte de la mystique dont elle éclaire de nombreux aspects tels que :
- en quoi le Royaume de Dieu est présent en nous et comment s'effectue la rencontre intérieure avec Dieu,
- le processus physique des visions et des révélations qui en découlent,
- la félicité paradoxale des martyrs ou celle des "âmes victimes" participantes à la Passion.
- la mort des âmes pourtant créées immortelles par Dieu.
- le glissement de certaines d'entre elles dans l'Enfer là où aucune parcelle de Dieu ne pénètre,
- etc.
"Parfois il se trouve que l’âme soit distinguée de l’esprit. Ainsi Saint Paul prie pour que notre "être tout entier, l’esprit, l’âme et le corps" soit gardé sans reproche à l’Avènement du Seigneur[2]. L’Église enseigne que cette distinction n’introduit pas une dualité dans l’âme. "Esprit" signifie que l’homme est ordonné dès sa création à sa fin surnaturelle, et que son âme est capable d’être surélevée gratuitement à la communion avec Dieu[3]."Cette surélévation de l’âme revêt une importance particulière chez Maria Valtorta qui fait de l'esprit le lieu de ce qu'elle nomme, avec ses mots, la "béatitude superspirituelle"[4]
Le corps glorieux
Voir aussi l'article développé: Chair, sens.
L’Assomption de Marie illustre de manière unique que son corps, tel qu’il était, est entré dans la Gloire par la puissance de Dieu, échappant ainsi à la putréfaction. Bien que charnel, créé par l’union d’Anne et Joachim, ce corps est l’équivalent de notre futur corps glorieux, celui que nous recevrons lorsque notre enveloppe terrestre aura retourné à la poussière[5].
Dans l’histoire biblique, Hénoch et Élie furent également enlevés avec leur corps. Toutefois, ils ne furent pas conduits au Ciel, qui restait inaccessible à cause de la Faute originelle. Jésus explique à Maria Valtorta qu’ils furent emmenés "dans un lieu connu de Dieu seul[6]". Marie, en revanche, fut élevée directement au Ciel, auprès de Dieu, dans une plénitude que seule son Immaculée Conception pouvait permettre. Son Assomption anticipe ainsi la destinée promise aux justes, en dévoilant la splendeur de la glorification corporelle dans l’éternité.
L'être charnel et le dessein de Dieu
Mais en ce qui nous concerne, notre corps et notre chair créent en nous des tensions contraires et rebelles. Saint Paul se reconnaît lui-même comme "un être charnel, vendu au péché[7]". Il constate son incapacité à accomplir le bien auquel il aspire et sa tendance à commettre le mal qu’il rejette[8]. Cette lutte intérieure, commune à tous les hommes, révèle la faiblesse de notre condition humaine.
Dans "cette vallée de larmes", comme le chante le Salve Regina[9], nous supportons le poids des chagrins, des douleurs, des maladies morales et physiques dans notre corps tout au long de notre cheminement terrestre. Ces souffrances peuvent nous pousser à percevoir notre corps comme un ennemi, un obstacle sur le chemin du bonheur et de la sainteté.
Cependant, une telle vision serait injuste et erronée, car elle irait à l’encontre du dessein de Dieu. En effet, le corps humain participe à la dignité de "l’image de Dieu". Il est corps humain précisément parce qu’il est animé par une âme spirituelle, et c’est l’être humain tout entier, corps et âme unis, qui est destiné à devenir, dans le Corps du Christ, le Temple de l’Esprit. Comme le rappelle le Catéchisme de l’Église catholique (CEC § 364), le corps est appelé à être l’habitation de Dieu lui-même, dans sa troisième personne.
Le concile Vatican II, dans Gaudium et spes, va encore plus loin : "Corps et âme, mais vraiment un, l’homme est, dans sa condition corporelle même, un résumé de l’univers des choses qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet[10]" Cette affirmation souligne la noblesse de notre corps, qui ne doit pas être méprisé mais compris dans sa vocation sublime.
Le Christ lui-même a sanctifié le corps humain en s’incarnant. Son corps et son sang sont devenus les fondements de l’Eucharistie, mystère au cœur de la foi chrétienne[11]. C’était un vrai corps, un vrai sang, donné pour le salut du monde.
En développant Jean 7,28-29 sur l’identité du Messie, Jésus explique, dans les révélations à Maria Valtorta, pourquoi il était nécessaire qu’il prenne un corps humain pour accomplir la Rédemption. Dieu n’a pas choisi d’envoyer un ange ni d’intervenir directement, mais a voulu que le Verbe s’incarne pleinement, afin de partager notre condition et de racheter l’humanité au prix fort. Cette incarnation souligne la valeur infinie de notre corps, destiné à participer à la gloire de Dieu."Qui doit être le Christ ? Un ange ? Plus qu’un ange[12]. Un homme ? Plus qu’un homme. Un Dieu ? Oui, un Dieu, mais avec une chair qui lui soit unie, pour pouvoir accomplir l’expiation de la chair coupable. Toute chose doit être rachetée par la matière avec laquelle elle a péché. Dieu aurait pu par conséquent envoyer un ange pour expier les fautes des anges déchus, pour Lucifer et pour ses disciples angéliques. Car, vous le savez, Lucifer aussi a péché. Mais Dieu n’envoie pas un esprit angélique pour racheter les anges des Ténèbres. Ils n’ont pas adoré le Fils de Dieu, et Dieu ne pardonne pas le péché contre son Verbe engendré par son Amour. Pourtant, Dieu aime les hommes et il envoie l’Homme, l’unique parfait, pour racheter l’homme et faire la paix avec Dieu. Et il est juste que seul un Homme-Dieu puisse accomplir la rédemption de l’homme et apaiser Dieu." (EMV 487.6)L’œuvre de Maria l'illustre : Jésus a partagé notre humanité aussi dans ses moments de joie. Il a aimé la terre de sa naissance, il a célébré la beauté de la Création, il s’est réjoui de l’amour maternel et de l’amitié, il s’est restauré et reposé.
Le sens de la souffrance
Le sens de la souffrance dans le christianisme est parfois difficile à comprendre pour qui n'a pas expérimenté l'amour du Christ. La Croix est un scandale et une folie pour les hommes disait saint Paul[13]. En effet, si on ne se plonge pas au cœur de la Rédemption, on ne peut comprendre que Jésus soit toute à la fois impatient de vivre sa Passion prochaine, si douloureuse, et pris d'une forte tension émotionnelle[14]. On ne peut comprendre St Paul affirmant : "Maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église[15]. On ne peut comprendre le martyre du diacre Étienne tué à coup de pierres et s'endormant dans la mort en contemplant la gloire du Christ[16]. Premier des dizaines de milliers de martyrs qui suivirent son exemple.
Maria Valtorta s'offrit comme "âme victime", recevant les stigmates invisibles et vécut, sur le lit de souffrance où elle était clouée, le paradoxe de la joie rédemptrice à la suite et à l'imitation du Christ. Dans un élan d’exultation, elle en exprime le sens :"Bénie, oui bénie sois-tu, ô souffrance, toi qui m’as arrachée du monde et qui m’as donnée à Dieu ! Bénie sois-tu pour la science qui m’est venue de toi ! Bénie sois-tu pour la charité que tu m’as infusée ! Bénie sois-tu pour l’envol que tu as donné à mon moi, en sorte que je puisse me recueillir au Ciel avec tous les désirs les plus saints qui m’habitaient ! Bénie sois-tu, ô souffrance, qui m’as unie à Jésus sur la même croix en une unique mission, qui depuis vingt siècles se perpétue, pour porter les âmes au Royaume de Dieu et le Royaume de Dieu aux âmes ! Jamais je ne cesserai de te bénir, ô souffrance, ô ma joie, car en toi j’ai trouvé la paix ![17]".Cette bienheureuse souffrance s’apparente à celle des martyrs. Maria Valtorta l'explique à l'occasion les terribles assauts démoniaques qu’elle endurait. Bien que la souffrance physique fût intense, son esprit demeurait en paix, ancré dans le Christ, qui, ayant "souffert jusqu’au bout l’épreuve de sa Passion, est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve[18]", dans le refuge où il demeure : "l'âme de l'âme" :
"C’était quelque chose d’étrange. L’âme restait toujours identique à elle-même, unie à Dieu, dans la paix, dans la soif de sacrifice. La prière constituait ma joie. Je désirais les sacrements plus que l’air lui-même. La chair était en folie. J’ai comme l’impression que par une volonté à attribuer je ne sais pas à qui, au Très-haut ou au Très-bas, je m’étais comme dédoublée. Sur mon esprit régnait Dieu, tandis que sur ma matière Lucifer mordait, excitait, bouleversait... et parfois couchait dans la boue. Puis la chair et l’esprit se réunissaient et alors venait l’angoisse d’avoir été faible.. J’ai souffert l’enfer[19]."Notre corps, ce compagnon éphémère de l’âme, finira par disparaître : "poussière revenue à la poussière[20]". Cependant ce corps meurtri ne saurait être réduit à une simple enveloppe transitoire : L'unicité de la personne humaine entrera dans l’éternité de Dieu avec son âme immortelle et son corps glorieux.
La résurrection finale et le corps glorieux
Saint Paul décrit cette résurrection finale dans 1 Corinthiens 15,35-58 : "Ce qui est semé périssable ressuscite impérissable". Non pas la résurrection de Lazare ou de la fille de Jaïre qui ne furent qu'un retour à la vie terrestre, mais celle donnée par Dieu pour l’éternité. Maria Valtorta en a la vision ::"Tout le corps redevient vivant, identique au nôtre. Identique, mais d’aspect différent : ce sont des corps magnifiques dont la perfection de forme et de couleurs les fait ressembler à des œuvres d’art ; d’autres sont horribles, non qu’ils soient réellement estropiés ou difformes, mais par leur aspect général plus proche de la brute que de l’homme. Ils ont les yeux torves, des visages contractés, l’air bestial et, ce qui me frappe le plus, une obscurité qui émane du corps et accroît la lividité de l’air qui les entoure. En revanche, ceux qui sont magnifiques ont les yeux rieurs, le visage serein, l’aspect doux, et il en émane une luminosité qui devient auréole autour de leur être de la tête aux pieds et rayonne autour d’eux[21]."Ainsi donc le corps glorieux est différent pour les ressuscités : sublimé et lumineux pour les élus, déformé et obscur pour les damnés. Prolongation de ce que l'on constate sur terre : l'amour ou la haine illumine ou déforme le visage. Mais en quoi ce corps glorieux ressemble-t-il à notre corps charnel ? Une réponse se trouve dans l’apparition de Jésus ressuscité aux apôtres. Maria Valtorta le décrit comme semblable et différent tout à la fois. Son corps glorieux est réel et pourtant spirituel.
"Bien que Jésus, Jésus Ressuscité, soit toujours Lui, ce n’est plus Lui en même temps. Si on le regarde bien il est différent. Pareils sont les traits du visage, la couleur des yeux et des cheveux, la taille, les mains, les pieds, et pourtant il est différent. Pareils la voix et les gestes, et pourtant il est différent. C’est un vrai corps, si bien qu’il intercepte aussi la lumière du soleil mourant dont le dernier rayon entre dans la pièce par la fenêtre ouverte. Il projette derrière Lui l’ombre de sa haute personne, et pourtant il est différent. Il n’est pas devenu fier, ni distant, et pourtant il est différent." (EMV 630.2)Dans ses Leçons sur l’épître de saint Paul aux romains[22], l’Esprit-Saint commente à Maria Valtorta le fait que Jésus ressuscité porte encore ses blessures aux mains et aux pieds come le constatent les apôtres[23] :
"Avec sa résurrection Jésus a prouvé […] qu'il était réellement mort crucifié. Raison pour laquelle il a conservé dans son Corps glorieux les stigmates de la Passion. Les autres marques de la Passion, telles que le vieillissement, les saletés et les épaisses couches de produits d'embaumement, ont entièrement disparu de son Corps. Pour prouver que sur la croix on a cloué un Christ réel, un Christ humain, et non une image quelconque de sa personne, dans sa vraie chair sont restés les trous réels causés par les clous, et par le coup de lance. Que pour toujours il avait vaincu la mort et qu'il était ressuscité dans son Corps et dans son Âme, en tant que Dieu, pour les siècles des siècles. De la même façon qu'il a été vu au sépulcre par les pieuses femmes, par les apôtres le soir de la Résurrection, et par les disciples au cours des apparitions successives, de la même façon, exactement la même, chaque esprit humain qui au moment du jugement particulier, passe, est passé ou passera de la vie naturelle à la vie surnaturelle, le voit, l'a vu ou le verra."Ainsi nous porterons sur nous ce qui a fait notre gloire spirituelle, mais non plus les sévices. On ne doit pas s’étonner qu’un saint prolonge au Ciel la vie d’apostolat qu’il menait sur terre. Les habitants du Paradis conservent en effet leur personnalité et tout ce qui a fait la spécificité de leur vie humaine, comme le rappelle si bien le Père Michel Mallet dans Le culte des saints[24].
L'âme immortelle
Voir aussi l'article développé: Âme.
Le mot âme vient du latin, anima qui veut dire souffle, vie. Ce mot recouvre plusieurs sens dans le langage courant comme dans la Genèse. C’est avec raison que St Thomas d’Aquin étend la notion d’âme à tous les êtres vivants, parlant d’êtres "animés" en opposition aux objets "inanimés"[25]. S’il emploie le terme générique d’âme, il ne met pas tout sur le même plan : il distingue la vie végétative, la vie animale et la vie spirituelle. Cette dernière est celle que retient l’Église catholique, sous le vocable "d’âme", comme principe de vie et de pensée de l’homme.
En effet, créée par Dieu à son image[26], la personne humaine est un être à la fois corporel et spirituel comme nous l’avons exposé au paragraphe précédent sur le corps glorieux. L’âme immortelle est l’élément spirituel de son être. Âme et corps sont si unies qu’elles forment une unique nature : leur séparation est la mort. C'est dans ce sens que Maria Valtorta emploie le mot âme, même si occasionnellement Jésus l'applique aux choses, par exemple le Temple de Jérusalem[27].
L'âme est crée par Dieu
La création des âmes, dans leur splendeur initiale, est montrée à Maria Valtorta dans une vision béatifique[28]. Le Père crée les âmes par amour pour son Fils. Lequel les juge par zèle pour son Père. L'homme est tout de suite constitué pleinement en devenir, dès l'embryon, même si l'âme est insufflée au fœtus[29]. "Dès sa fécondation" précise Evangelium vitae[30]. Ce que le Comité Consultatif National d’Éthique (France) appelle, en parlant de l'embryon, une "personne humaine potentielle[31]".
Ce processus de la naissance justifie que l’Homme dans son corps et dans son âme est "un résumé de l’univers des choses qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet[10]". St Thomas d'Aquin le justifiait ainsi : "L’âme préexiste dans l’embryon ; elle y est d’abord nutritive, puis sensitive, et enfin intellective[32]". Et il précise par ailleurs : "L’embryon n’a d’abord qu’une âme sensitive. Celle-ci disparaît, et une âme plus parfaite lui succède, qui est à la fois sensitive et intellectuelle[33]."
Jésus, dans Maria Valtorta, précise :D'abord, l'homme n'est qu'une semence qui se développe, semence de chair au lieu de gluten ou de moelle comme l'est celle des blés ou des fruits. Tout d'abord, ce n'est qu'un animal qui se forme, un embryon d'animal pas différent de celui qui maintenant grossit dans le sein de cette brebis. Mais, à partir du moment où dans cette conception humaine pénètre cette partie incorporelle et qui cependant est la plus puissante dans son incorporéité qui l'élève, voilà qu'alors l'embryon animal, non seulement existe avec les pulsations de son cœur, mais "vit" selon la Pensée Créatrice, et devient homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, fils de Dieu, futur citoyen du Ciel (EMV 118.6).Ce qui est à mettre en parallèle avec cet autre passage :
À l'égalité de la conception, formation et manière de naître des enfants d'un homme et d'une femme sur la Terre, correspond une autre égalité dans le Ciel : la création d'une âme à infuser dans l'embryon pour qu'il soit celui d'un homme et non d'un animal, et qu'elle l'accompagne du moment qu'elle est créée jusqu'à la mort, et qu'elle survive en attendant la résurrection générale pour s'unir alors de nouveau au corps ressuscité et avoir avec lui la récompense ou le châtiment. La récompense ou le châtiment selon les actions accomplies pendant la vie terrestre (EMV 444.5).
La vie et la mort de l'âme immortelle
L'âme morte
Dieu le dit dans Ézéchiel : "l'âme qui pèche sera celle qui mourra[34]". L'âme immortelle peut donc mourir et il y a des âmes mortes dans le cœur des vivants. Jésus, dans Maria Valtorta, explicite ce paradoxe apparent :"Sans la grâce, vous seriez simplement des créatures animales, évoluées au point d’être pourvues de raison et d’une âme, mais d’une âme au niveau de la terre, capable d’évoluer dans les contingences de la vie terrestre, mais incapable de s’élever jusqu’aux régions de la vie de l’esprit. Donc, pas beaucoup plus que des brutes, dont la conduite est réglée seulement par l’instinct [...] La grâce est donc un don sublime, le plus grand don que Dieu, mon Père, ait pu vous faire [...] L’âme qui perd la grâce perd tout. En ce qui la concerne, le Père l’a créée en vain, le Fils l’a rachetée en vain, l’Esprit Saint lui a infusé ses dons en vain, les Sacrements existent en vain. Elle est morte. Branche pourrie qui, sous l’action corrosive du péché, se détache et tombe de l’arbre de vie et achève de se putréfier dans la boue[35]."Une personne, bien qu'encore vivante sur le plan biologique, peut être spirituellement morte à cause du péché, de l'indifférence à Dieu ou d'un manque de charité. C'est le péché "mortel[36]" et si elle perdure volontairement et consciemment dans cet état elle glisse entièrement dans l'Enfer, pour l'éternité, puisque l'âme "morte" est immortelle. À la vie éternelle, correspond la mort éternelle.
L'enjeu est donc la grâce pour l'Homme conçu pour être "de peu inférieur à Dieu"[37], ce que réaffirme, après le psalmiste, Jésus à Maria Valtorta : "Si une âme savait se conserver telle qu’elle est après le Baptême et après la Confirmation, c’est-à-dire au moment où elle est littéralement imbibée de grâce, cette âme serait à peine moins que Dieu[35]."
L'âme a donc un prix inestimable : "Le prix et la valeur d’une âme sont tels que les trésors de la terre ne suffisent pas à l’acheter. Il faut le Sang d’un Dieu. Le mien", dit Jésus[38]. C’est en raison de sa valeur, qu’une telle âme est la cible de l’Adversaire. Il cherche sans relâche à lui partager le sentiment qui le fit déchoir à tout jamais du Ciel : l’orgueil de se croire l’égal de Dieu.
L'âme vivante
Jésus, dans Maria Valtorta, annonce que l’âme passe par trois phases de création : "La première c'est la création propre à tous les hommes. La seconde c'est une nouvelle création, propre aux justes. La troisième c'est la perfection, propre aux saints (EMV 204.7)."
En effet, si l’âme immortelle est universellement créée par Dieu pour tous les hommes à leur naissance, le Baptême est une nouvelle création ou plus exactement une régénérescence comme fils de Dieu, dit le Catéchisme de l’Église catholique (CEC § 1213). Elle nous ouvre la porte de l’Esprit, nous libère du péché, nous faisant membre du Christ et participant à la mission de l’Église . C’est la nouvelle naissance dont parle Jésus à Nicodème (Jean 3,3-5). La troisième naissance est celle de la sainteté qui commence avec la venue du Christ en nous. Dans son Autobiographie, Maria Valtorta définit ce chemin par une analogie avec l’Annonciation au terme de laquelle le Christ a pris chair en Marie."Je crois que toute âme est comparable à la Vierge avant l’Annonciation. Chaque âme est appelée en effet à former le Christ, comme une jeune épouse devra former sa créature. La conception du Christ en nous advient lorsque nous disons notre : “Voici la servante du Seigneur”. Auparavant existe seulement l’invitation du Seigneur, portée par son ange, par son inspiration. Mais l’événement ne s’accomplit que lorsqu’une âme, en un tressaillement d’amour, répond son fiat : “Oui, je le veux”. Alors l’Esprit descend couvrir de son ombre l’âme généreuse et amoureuse, il descend avec son feu, avec sa lumière, avec ses dons, et la conception est engagée. Le Christ s’incarne en nous, non pas bien sûr, je le sais bien, comme chez Marie, mais il s’incarne et naît spirituellement, grandit, s’informe et nous informe de Lui-même et plus il grandit, plus l’âme se rapetisse et diminue, pour ne faire place qu’à Lui seul[39]."Saint Paul ne dit pas autre chose : "Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi." (Galates 2,20). C’est en effet lorsqu’on a Dieu en nous, ce qui est l'étymologie d'enthousiasme, qu’on peut accéder au Ciel et à ses vérités.
Si votre âme était vivante, elle vous le dirait, elle qui, quand elle est en état de grâce, est comme une fleur dans les mains de votre ange gardien, comme une fleur sous le baiser du soleil, baignée de rosée par l’Esprit Saint qui la réchauffe et l’illumine, l’arrose et la pare de célestes lumières. Combien de vérités votre âme ne vous révèlerait-elle pas si vous saviez converser avec elle, si vous l’aimiez comme celle qui vous donne la ressemblance de Dieu, qui est Esprit comme votre âme est esprit ! [...] N’ai-je pas dit : “Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous ferons notre demeure chez lui ” ? L’âme en état de grâce possède l’amour et par-là même elle possède Dieu, c’est-à-dire le Père qui la maintient, le Fils qui l’enseigne et l’Esprit qui l’éclaire. Elle possède donc la connaissance, la science et la sagesse. Elle possède la lumière. Imaginez donc quelles sublimes conversations vous pourriez lier avec votre âme !" (EMV 17.1).Tout cela se passe dans "l’âme de l’âme" qu’est notre esprit, lieu où s'exerce notre libre-arbitre, Tente de la rencontre avec Dieu.
L'esprit spirituel
Voir aussi l'article développé: L'esprit.
Certes la tripartition n’est pas une idée neuve. On la retrouve sous diverses formes dans la philosophie antique[40] comme dans la pensée moderne[41] , mais rien qui ne s’approche de qu’exprime Maria Valtorta. Elle parle de l’esprit (avec une minuscule). En français, ce mot recouvre de nombreux sens que l’italien, comme le latin, distinguent. Spiritus en latin et spirito en italien, désignent l’esprit recouvrant notre identité éternelle, quand le mot mente, désigne chez elle l’intelligence qui choisit ce qu’elle veut servir. Il s'agit donc ici de notre identité éternelle.
"Il y a une différence entre la séparation de l’âme d’avec le corps pour une vraie mort, et la séparation momentanée de l’esprit d’avec le corps et l’âme qui le vivifie, par extase ou ravissement contemplatif. Alors que la séparation de l’âme et du corps provoque une vraie mort, la contemplation extatique, en d’autres termes l’évasion temporaire de l’esprit hors des barrières des sens et de la matière, ne provoque pas la mort. Et cela, parce que l’âme ne se détache pas et ne se sépare pas totalement du corps, mais seulement avec sa partie la plus profonde, qui se plonge dans les feux de la contemplation." (EMV 651.17).Corps et âme sont donc indissolublement liés jusqu’à la mort, mais il y a dans l’âme une composante autonome capable de s’évader temporairement de la matière pour rejoindre le Ciel. Si la cause de cette évasion est la contemplation, autrement dit Dieu, l'esprit est sous la coupe de notre libre-arbitre : on peut vouloir ouvrir l'âme à Dieu ou vouloir l'exclure. C'est la différence entre la vie et la mort de l'âme soumise par Dieu à notre choix[42]. De là dépend donc la vie éternelle ou la mort éternelle.
Notes et références
- ↑ Autobiographie, p. 395.
- ↑ 2,0 et 2,1 1 Thessaloniciens 5,23
- ↑ Catéchisme de l'Église catholique, § 365.
- ↑ Autobiographie, p. 393.
- ↑ Philippiens 3,21 : "[Jésus-Christ] transformera notre corps si misérable, en le rendant semblable à son corps glorieux, par sa vertu puissante qui lui assujettit toutes choses."
- ↑ EMV 651.6.
- ↑ Romains 7,14. Voir aussi le commentaire correspondant dans Leçons sur l'épître de saint Paul aux Romains, Leçon 23, p. 131-132.
- ↑ Romains, 7,19. Voir, là aussi, le commentaire correspondant dans Leçons sur l'épître de saint Paul aux Romains, Leçon 23, p. 131-132.
- ↑ Cet hymne à la Vierge Marie date probablement de l'an mille. Il est un des plus populaire du Moyen-Âge :"Salut, ô Reine, Mère de miséricorde, notre vie, notre douceur, notre espérance, salut ! Nous crions vers toi, enfants d'Ève exilés. Vers toi nous soupirons, gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes...."
- ↑ 10,0 et 10,1 Paul VI, 7 décembre 1965, Gaudium et spes, Constitution pastorale sur l'Église dans le monde, paragraphe 14, alinéa 1.
- ↑ Matthieu 26,26-28 | Jean 6,55-56.
- ↑ Ce discours trouve un écho dans la Lettre aux Hébreux 1,4-5.
- ↑ Cf. 1 Corinthiens 1,23.
- ↑ Cf. Luc 12,49-50 : "Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli !". Le mot "angoisse" est parfois traduit par "il me tarde" en référence au mot grec συνέχομαι (synechomai), peut signifier "être contraint", "être pressé", "être tourmenté" ou "être saisi par une forte émotion".
- ↑ Colossiens 1,24.
- ↑ Actes 7,54-60. Voir aussi La Force des martyrs dans les écrits de Maria Valtorta, préface de Véronique Lévy, CEV, 2022, pp. 37-50.
- ↑ Autobiographie, page 306.
- ↑ Lettre aux Hébreux 2,18.
- ↑ Autobiographie, p. 461.
- ↑ Genèse 3,19.
- ↑ Les Cahiers de 1944, 29 janvier, pp. 102-103.
- ↑ Leçons sur l’épître de saint Paul aux romains, Leçon 18, p. 109.
- ↑ Cf. Jean 20,27.
- ↑ P. M. Mallet, Le culte des saints, éd. François-Xavier de Guibert, 1995, p. 27,
- ↑ Somme théologique, Première partie, question 75 : L’essence de l’âme, question n° 1, réponse.
- ↑ Genèse 1,27.
- ↑ "Chaque lieu a son âme, c'est à dire l'esprit pour lequel il fut édifié ; le Temple devrait avoir l'âme de prière, de sainteté" (EMV 70.3).
- ↑ Les Cahiers de 1944, 25 mai, pp. 315-316.
- ↑ "L'âme n'est pas une brute (un animal), Plautina. L'embryon, oui. C'est si vrai que l'âme n'est donnée que quand le fœtus est déjà formé" (EMV 204.6). Le code de droit canonique de 1983 (comme celui de 1917) précise que le fœtus (et non l'embryon) avorté peut être baptisé "s'il est vivant" (CIC § 871)
- ↑ Jean-Paul II, encyclique sur la valeur et l'inviolabilité de la vie humaine Evangelium vitae, 25, § 60.
- ↑ Comité national d'éthique, Avis n° 8 du 15 décembre 1986, § 17.
- ↑ Somme théologique, Première partie, Question 118, de la manière dont l'homme est tiré de l'homme quant à son âme, articles 1 et 2, Réponses.
- ↑ Somme théologique, Première partie, Question 76, L’union de l’âme au corps, article 3, solutions 3.
- ↑ Ézéchiel 18,4, traduction du chanoine Crampon.
- ↑ 35,0 et 35,1 Les Cahiers de 1943, 6 juin, p. 51.
- ↑ "Le péché mortel détourne l’homme de Dieu, qui est sa fin ultime et sa béatitude" (CEC § 1855).
- ↑ Psaume 8,5-7 : "Qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui, le fils d'un homme, que tu en prennes souci ? Tu l'as voulu un peu moindre qu'un dieu, le couronnant de gloire et d'honneur ; tu l'établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds".
- ↑ Les Cahiers de 1943, 21 juillet, p. 175.
- ↑ Autobiographie, p. 91.
- ↑ Par exemple : Platon (La République, livre IV, § 431: le corps et deux parties de l'âme) et surtout Aristote (Le traité de l'âme (De Anima( : Concept des différentes parties de l’âme. végétative en commun avec les plantes, sensitive, commune avec les animaux et intellective, propre à l'homme et siège de la contemplation, notamment).
- ↑ Par exemple Sigmund Freud (Le Moi et le Ça : développement du modèle structurel de la psyché : le Ça, le Moi, et le Surmoi) et Carl Jung (Les Archétypes et l’inconscient collectif : Exploration de l’âme humaine et de l’inconscient collectif. L’inconscient personnel, le Moi et l’inconscient collectif, dimension spirituelle universelle qui relie l’individu à une réalité transcendante.
- ↑ "Vois ! Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur." (Deutéronome 30,15).