Saint-Office - Tentative de destruction de l'oeuvre de Maria Valtorta (1949)
Le 26 février 1948, Pie XII, au terme de son audience avec les promoteurs de l'œuvre, avait explicitement encouragé sa publication demandant cependant que les règles d'usage soient respectées et qu'un évêque donne son imprimatur. Cet imprimatur ouvrant la voie à la publication, est connu du Saint-Office qui le regrette. L'audience papale avait été obtenue par un autre circuit. Un an presque jour pour jour, 17 février 1949, il tentera de détruire l'œuvre ce que refusera le Saint-Père. Il tentera de nouveau, en 1952, de condamner l'œuvre: tentative inaboutie du vivant de Pie XII.
Chronologie des évènements[modifier | modifier le wikicode]
- 11 avril 1948: Mgr Alfonso Carinci, secrétaire de la Congrégation pour les Rites sacrés (actuellement pour la cause des saints) et proche de Pie XII, faisait le déplacement à Viareggio pour rencontrer Maria Valtorta.
- 29 juin 1948: Le Père Berti écrit au Saint-Père qu'il a frappé en vain à la porte de nombreux évêques pour l'obtention de l'imprimatur. Il décide alors de faire appel à Mgr Costantino Barneschi, un évêque de sa congrégation[1]
- Été 1948: Très rapidement cet évêque avait donné son imprimatur à un livret de 32 pages, intitulé Parole di Vita Eterna (Laboremus, Roma, 1948). Cet opuscule comportait quelques extraits et le plan de l’œuvre de Maria Valtorta qui devait être bientôt publiée. Il était destiné à lever des fonds pour l'édition. L’auteur était anonyme. Ce livret circulait librement au Vatican, y compris au Saint-Office. Tout semblait donc bien engagé.
Cependant des signaux d’alerte commencent à parvenir :
- 14 octobre 1948: Le Giornale d'Italia fait paraître un appel à souscription pour l'édition des œuvres de Maria Valtorta. La brochure de 32 pages, contenant le sommaire et quelques extraits, mentionnait en dernière page l'imprimatur de Mgr Costantino Barneschi[1].
- 25 octobre 1948: Le Père Enrico M. Gargiani (1890-1965), Procureur général[2] des Servites de Marie, reçoit une demande du Pape Pie XII transmise par Mgrs G.B. Montini (futur Paul VI) et Domenico Tardini (1888-1961) : que la future publication soit sécurisée par un second imprimatur en bonne et due forme[3]. La Secrétairerie du Vatican proposait de faire appel à un imprimeur en dehors du Vatican pour éviter les réactions de "certains prélats hostiles". Elle suggérait pour cela la maison éditrice Michele Pisani (aujourd’hui Centro editoriale valtortiano). L’imprimatur devait être sollicité auprès de l’évêque de Sora-Aquino-Pontecorvo, diocèse de l’éditeur, qui se proposa de l’accorder[4].
- 24 novembre 1948: à la demande du Saint-Office alors que l'œuvre de Maria Valtorta était sur le point d'être éditée par les Servites de Marie, le Père Alberto Vaccari, un jésuite, est sollicité pour donner un avis sur l'œuvre de Maria Valtorta. Il s'exécutera en 2 mois[5]. Dans le même temps, le Saint-Office décide de faire appel au Prieur général des Servites "concernant le Père Migliorini et C. [Cecchin] en relation avec Valtorta... En attendant suspendre la collecte des adhésions et des cotisations pour les souscriptions à l'œuvre. Et celui-ci fut immédiatement exécuté.[1]"
- 25 novembre 1948: Selon ce que rapporte Mgr Giovanni Pepe, Le Saint-Père approuva le décret[1].
- 29 novembre1948: Le Père Alfonso Benedetti (1880-1958), Prieur général des Servites de Marie, reçoit un coup de téléphone (mais pas de courrier[6]) du Saint-Office intimant l’ordre aux PP. Berti et Migliorini de ne plus s’occuper de la diffusion de l’œuvre. L’imprimatur obtenu n’étant pas, selon l’interlocuteur, conforme au droit canonique. Pour lui, Mgr Barneschi n’était que l’évêque "des zoulous"[7]. Il n’était l’évêque ni du lieu de l’auteur, ni de l’éditeur, ni de l’imprimeur[4]. On promettait des sanctions en cas de désobéissance.
- 25 décembre 1948: Le Giornale d'Italia publie de nouveau un appel à souscription[1].
- 9 janvier 1949: Sous la pression des évènements alarmants, Maria Valtorta prend l’initiative de s’adresser directement à Mgr Alfonso Carinci. Elle lui fait part que "des difficultés, continuelles et toujours croissantes, viennent de certains prélats pour empêcher le bon aboutissement de l’œuvre"[8]. Mgr Carinci temporise, il s'agit seulement d'une vérification, non d'une condamnation[9].
- 20 janvier 1949: Maria Valtorta lui répond qu'elle approuve ces vérifications car elle même avait demandé aux Servites de Marie de ne pas publier l'œuvre avant l'approbation de l'Église et qu'elle continuera à écrire tant que le Ciel le lui demandera. En marge de cette lettre, Mgr Carinci note qu'il l'a montré, le 28 janvier, au Saint-Père qui en a été impressionné et a loué son esprit d'humilité. Le Saint-Père dit à Mgr Carinci qu'il se chargeait du Saint-Office.
- 26 janvier 1949: Le Père Alberto Vaccari conclut son étude partielle très critique de l'œuvre de Maria Valtorta qu'il résume dans le dernier mot du rapport: "zéro".
- 2 février 1949: Mgr Giovanni Pepe, chef du Bureau de la censure, publie un rapport sur "les "dictées" et "visions" de l’hystérique Maria Valtorta de Viareggio, à laquelle le père Migliorini, des Servites de Marie, son confesseur, croit aveuglément". Le ton est donné. Le même jour, le Père Berti rapporte à Maria Valtorta "lors de l'offrande des cierges à Sa Sainteté, il a répété au P. Berti et à un élève servite de Marie sa volonté d'approuver l'œuvre rapidement"[10].
- 14 février 1949: Le Bureau de la censure du Saint-Office prend la décision de condamner l'œuvre par une acte officiel (notification) : "Que soit publiée l’interdiction de la publication de l’œuvre parce que l’Autorité Ecclésiastique y a trouvé des erreurs et qu’il n’y rien de surnaturel dans ces visions" (point n° 2).
- 16 février 1949: le P. Berti écrit à Maria Valtorta que tout semble aller dans le bon sens. Le même jour, la direction du Saint-Office, de son côté, confirme la condamnation.
- 17 février 1949: Le Saint-Père ne retient pas la proposition de condamnation qu'il juge "excessive et superflue", mais approuve les autres décisions conservatoires.
- mardi 22 février 1949[11]: Le Père Berti est convoqué par deux censeurs, Mgr Giovanni Pepe, en charge de la censure des livres, et le Père Girolamo Berruti. Il n’a pas le droit de parler, seulement de signer la lettre du Saint-Office et de remettre les manuscrits en sa possession[12]. "Ici, ils resteront comme dans une tombe", lâche Mgr Pepe[13]. À cette date alors que Maria Valtorta n'a pas connaissance de cette tentative de destruction, Jésus commente prophétiquement: "Quant à toi, jubile, mon âme, car tu as ainsi le signe que tu es vraiment à moi. A ceux qui m’appartiennent, je donne mon signe : être persécuté, accusé, condamné injustement. Rappelle-toi : interroge-toi toujours sur la vérité des personnes qui se donnent l’air d’être mes serviteurs ou le professent, si tu ne les vois pas persécutés[14]."
- mercredi 23 février 1949: jour de l'entrée en Carême (mercredi des cendres), un laïc de ses amis vient annoncer à Maria Valtorta que l'œuvre a été condamnée. Que le Saint-Office avait pris toutes les précautions pour que cela reste secret mais que cela avait fuité[15]. Il lui envoyait un avocat pour intimer l'ordre aux Servites de Marie de se conformer à cette condamnation. L'avocat, à cette occasion, informait Maria Valtorta de toutes les dispositions du code de droit canonique que cette condamnation avait enfreintes.
Eléments de contexte[modifier | modifier le wikicode]
En 1952, le Saint-Office commanditera auprès du Père Augustin Bea, un avis sur la décision à prendre pour l'œuvre de Maria Valtorta.. Le 17 octobre 1952, il conclura au caractère inopportun de publier une œuvre ambigüe. Ce document , par sa nature, son destinataire et ses conclusions, prouve que la décision n'avait pas été prise auparavant. Ce qui invalide de ce fait:
- La thèse selon laquelle la décision d'interdire aurait été prise le 17 février 1949 avec l'adhésion du Saint-Père.
- La légitimité de l'entretien de Mgr Giovanni Pepe du 22 février 1949 demandant au Père Berti de ne pas publier l'œuvre en plus que de remettre les manuscrits.
Cela explique aussi que l'article de l'Osservatore romano de 1960 commentant à la mise à l'Index se réfère imprécisément et de façon inaccoutumée à "des souvenirs d’il y a environ une dizaine d’années"[16]. C'est donc à tort que l'on traduit ce flou par "1949" et confirme que la décision du Saint-Office de 1959 ne se référait qu'à son propre avis non validé par le Saint-Père à l'époque, comme de droit[17].
Notes et références[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 et 1,4 Rapport de Mgr Giovanni Pepe du 2 février 1949.
- ↑ Procuratore. Dans un ordre religieux le procureur général a en charge les intérêts matériels de l’ordre. Il s’agit donc du secrétaire général à qui les deux collaborateurs du Pape s’adressent comme leur équivalent hiérarchique.
- ↑ Lettres à Mère Teresa Maria, tome 2, 11 novembre 1948, p. 167-168.
- ↑ 4,0 et 4,1 Ib°, 16 décembre 1948, page 172.
- ↑ Le Bienheureux Gabriele Allegra, un bibliste reconnu, mis deux ans à étudier l'œuvre.
- ↑ Pourtant Mgr Giovanni Pepe parle bien, dans son rapport, de "décret", donc d'un document écrit officiel.
- ↑ On imagine mal le Saint-Père; supposé caution de la décision, utilisant ce langage. C'est, de plus, contradictoire avec la demande du 25 octobre 1948.
- ↑ Lettere a Mons. Carinci {it}, courrier du 9 janvier 1949.
- ↑ Id°, lettre du 17 janvier 1949.
- ↑ Lettres à Mère Teresa Maria, Tome 2, p. 188.
- ↑ Maria Valtorta situe ce jour dans une correspondance sans date (Lettres à Mère Teresa Maria, Tome 2, p. 188). C'est 20 jours plus tard que l'approbation de l'œuvre confiée par Pie XII le 2 février. Elle l'apprend le jour de l'entrée en Carême (mercredi 23 février 1949) comme indiqué dans la note n°14.
- ↑ le P. Berti, seul témoin, a rapporté les circonstances de l'entrevue, mais n'a pas précisé la date exacte. Dix ans plus tard, le rédacteur de l'article de l'Osservtore Romano fera de même. On notera que cette condamnation occulte intervient quasiment un an, jour pour jour, après l'audience papale qui encourageait la publication de l'œuvre
- ↑ "Qui rimaranno come in un sepolcro" Attestation du Père Berti : Exposizione, § 4.
- ↑ Les Carnets, p. 204. Dans le même ouvrage, à la date du 25 février 1949, Jésus commente: "Le don de l’Œuvre fut une épreuve qui t’a été proposée à toi avant toute autre personne, puis elle l’a été à Romualdo [Migliorini] puis encore à tout l’Ordre des Servites, enfin à l’Eglise enseignante. Chacun a répondu à la mesure de ses capacités et de son amour. De vous quatre, tu es la seule à avoir surmonté cette épreuve avec perfection" (Idem, pp. 206).
- ↑ Correspondance avec Mgr Carinci, lettre du 8 mars 1949, pp.24-25.
- ↑ Des souvenirs et non des décrets. Aucune date précise : un comportement très inhabituel. Il s'explique, semble-t-il, par la refonte du dossier, après la mort de Pie XII, en 1958 (il devient le 144/58). Ce nouveau dossier, qui sert à la mise à l'Index, ne comporte semble-t-il plus les traces de cette condamnation de février 1959 liée au refus de Pie XII.
- ↑ Dans la Sacrée Congrégation du Saint-Office, le Pape détenait l'autorité finale sur toutes les décisions doctrinales et disciplinaires. Bien que le Saint-Office traitât des affaires de la foi et de la morale, toutes ses actions et décrets étaient soumis à l'approbation papale. Le Pape était le garant de l'orthodoxie et de l'unité de la foi. La proposition de censure des œuvres de Maria Valtorta, du 17 février 1949, n'a pas été retenue par Pie XII. Le rapport Bea du 17 octobre 1952, qui tente de reprendre la main, n'a été aucunement validé par le Pape tant qu'il vécut et ce malgré les éditions de 1956, 1957, 1958. Dans son article de 1960, le Saint-Office ne peut donc se référer ni à une décision de 1949, invalidée, ni à une décision postérieure à 1952 qui ne fut pas prise, du moins du vivant du Pape.