Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour

    De Wiki Maria Valtorta


    Évolution du libellé :

    • Latin : Panem nostrum quotidiánum da nobis hódie;
    • Avant 1966 : Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour (ou notre pain quotidien);
    • Actuel : Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
    Dans son livre La prière du Notre Père. Un regard renouvelé[1], Mgr Pierre-Marie Carré[2], s'interroge :
    "Avec cette demande commence la deuxième partie du Notre Père, celle qui s’intéresse aux besoins fondamentaux de l’être humain sur terre. Cette demande paraît toute simple à première vue. en fait, elle est particulièrement complexe.

    "[...]Que désigne le "pain" ? A travers cette image, on pense que Jésus désigne toute nourriture de base pour le corps, variable selon les continents et les cultures. La demande est pour "aujourd’hui". La prière est une attitude de confiance dans laquelle ce qui compte, c’est le moment présent : il ne faut pas s’inquiéter pour demain dit Jésus (voir Matthieu 6, 34).

    Le terme le plus difficile est celui qui se traduit par "de ce jour". Le terme grec employé ne revient nulle part ailleurs et il est d’interprétation très difficile. Il peut désigner le pain dont nous avons besoin, celui qui est nécessaire pour notre existence, en un mot le pain quotidien. Ainsi, ce serait d’un point de vue temporel, la simple confirmation de l’adverbe "aujourd’hui". Mais il peut désigner aussi le pain "à venir", celui que Dieu donnera lors du festin éternel, et donc être l’annonce de la nourriture pour la vie éternelle. Il peut indiquer encore le pain "suressentiel", c’est-à-dire le Pain de Vie, le Corps du Christ, sans lequel nous n’avons pas la Vie en nous."
    Ce sens temporel et spirituel se retrouve en effet dans les enseignements de Jésus.

    Dans l'Œuvre de Maria Valtorta

    Catéchèse du 7 juillet 1943

    Cet enseignement est donné par Jésus au tout début de ses dictées. Durant cette période, il approfondit, pour notre époque, les fondamentaux de la foi chrétienne, dont la prière du Seigneur: le Notre Père. Il prend soin de faire remonter, dans ses commentaires, les besoins matériels au niveau spirituel. Le pain est aussi un pain spirituel car "l'homme ne vit pas seulement de pain"[3]
    "Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien". J’ai dit aujourd’hui et j’ai dit pain. Je ne dis jamais rien d’inutile. Aujourd’hui. Demandez les secours au Père un jour à la fois. C’est une mesure de prudence, de justice, d’humilité.

    Prudence : si vous aviez tout d’un seul coup, vous en gaspilleriez beaucoup. Vous êtes d’éternels enfants, et capricieux de surcroît. Il ne faut pas gaspiller les dons de Dieu. De plus, si vous aviez tout, vous en oublieriez Dieu[4]. Justice : pourquoi auriez-vous tout d’un seul coup, quand moi je reçus l’aide du Père un jour à la fois ? Et ne serait-il pas injuste de penser qu’il est bon que Dieu vous donne tout à la fois, ce qui sous-entendrait, avec une sollicitude tout humaine, qu’on ne sait jamais, et qu’il est bon d’avoir tout aujourd’hui de crainte que Dieu ne nous donne rien demain ? La méfiance, vous n’y réfléchissez pas, est un péché. Il ne faut se méfier de Dieu. Il vous aime à la perfection. Il est le Père très parfait. Le fait de tout demander à la fois froisse la confiance et offense le Père.  Humilité : d’avoir à demander, jour après jour, vous rafraîchit la mémoire de votre nullité, de votre condition de pauvres, et du Tout et de la Richesse de Dieu.          

    Pain. J’ai dit "pain" parce que le pain est l’aliment noble, indispensable à la vie. Dans cette seule parole, j’ai inclus, pour que vous les demandiez tous, tous les besoins de votre passage sur terre. Mais tout comme la température de votre spiritualité varie, il en va de même pour l’étendue de ce mot. "Pain-nourriture" pour ceux dont la spiritualité est embryonnaire au point que c’est déjà beaucoup s’ils savent demander à Dieu la nourriture pour rassasier leur ventre. Il y a ceux qui ne la demandent pas, mais la prennent avec violence, en pestant contre Dieu et leur prochain. Dieu les regarde avec colère car ils piétinent le précepte dont découlent les autres : "Aime ton Dieu de tout ton cœur, aime ton prochain comme toi-même".  "Pain-secours" dans les nécessités morales et matérielles pour ceux qui ne vivent pas seulement pour leur ventre, mais qui, ayant une spiritualité plus évoluée, savent vivre aussi pour la pensée.  "Pain-religion" pour ceux, plus avancés encore, qui font passer Dieu avant les satisfactions des sens et des sentiments humains, et qui savent déjà mouvoir leurs ailes dans le surnaturel. "Pain-esprit, pain-sacrifice" pour ceux qui, ayant atteint la pleine maturité de l’esprit, savent vivre dans l’esprit et dans la vérité, ne s’occupant du sang et de la chair que pour le strict nécessaire à l’existence dans la vie mortelle, jusqu’à ce qu’arrive l’heure d’aller rejoindre Dieu. Ceux-ci se sont désormais ciselés sur mon modèle et ils sont des copies vivantes de moi, sur lesquelles le Père se penche avec une étreinte d’amour[5]."

    Dans le don du Notre Père

    Le don du Notre Père aux apôtres a lieu lors de la seconde Pâque et en l'absence de Judas partit rejoindre ses relations toxiques du Temple. Le récit de Maria Valtorta est plus proche de la narration de Luc 11,2-13 que de celle de Matthieu qui regroupe la cohérence de plusieurs enseignements. Une partie de l'enseignement du Notre Père se trouve en Matthieu 6,9-13 et une autre en Matthieu 7,7-11. Jésus donne au "pain" un sens matériel. Peut-être veut-il rassurer les apôtres qui ont du tout abandonner pour le suivre[6]. En tous cas Jésus veut aussi les rassurer sur la sollicitude de Dieu envers eux : Il pourvoira à leurs besoins[7]

    "Quand vous serez au Ciel, vous ne vous nourrirez que de Dieu. La béatitude sera votre nourriture. Mais, ici-bas, vous avez encore besoin de pain. Et vous êtes les petits enfants de Dieu. Il est donc juste de dire : "Père, donne-nous le pain". Avez-vous peur qu’Il ne vous écoute pas ? Oh ! non ! Réfléchissez : supposez que l’un de vous ait un ami et qu’il s’aperçoive qu’il manque de pain pour rassasier un autre ami ou un parent arrivé chez lui à la fin de la seconde veille. Il va trouver l’ami son voisin et lui dit : "Ami, prête-moi trois pains, car il m’est arrivé un hôte et je n’ai rien à lui donner à manger". Peut-il s’entendre répondre de l’intérieur de la maison : "Ne m’ennuie pas car j’ai déjà fermé la porte et bloqué les battants, et mes enfants dorment déjà à mes côtés. Je ne peux me lever et te donner ce que tu veux" ? Non. S’il s’est adressé à un véritable ami et qu’il insiste, il aura ce qu’il demande. Il l’aurait même s’il s’était adressé à un ami pas très bon. Il l’aurait à cause de son insistance car celui auquel il demande ce service, pour n’être plus importuné, se hâterait de lui en donner autant qu’il en veut. Mais vous, quand vous priez le Père, vous ne vous adressez pas à un ami de la terre, mais vous vous tournez vers l’Ami Parfait qui est le Père du Ciel. Aussi, je vous dis : "Demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira". En effet, à qui demande on donne, qui cherche finit par trouver, à qui frappe on ouvre la porte.      

    Qui, parmi les enfants des hommes, se voit présenter une pierre, s’il demande du pain à son propre père ? Qui se voit donner un serpent à la place d’un poisson grillé ? Il serait un criminel le père qui agirait ainsi à l’égard de ses enfants. Je l’ai déjà dit[6] et je le répète pour vous encourager à des sentiments de bonté et de confiance. De même donc que quelqu’un dont l’esprit est sain ne donnerait pas un scorpion à la place d’un œuf, avec quelle plus grande bonté Dieu ne vous donnera-t-Il pas ce que vous demandez ! Puisque Il est bon, alors que vous, plus ou moins, vous êtes mauvais. Demandez donc avec un amour humble et filial votre pain au Père (EMV 203.10)."

    Pour aller plus loin

    Dans le Catéchisme

    L'enseignement magistériel sur "Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour" rajoute la nécessité de partager le "pain" avec ceux qui en manque. Cet aspect est repris par ailleurs dans l'Œuvre de Maria Valtorta. Pour le reste, on trouve la confirmation et la justification de la confiance en Dieu et du sens aussi bien temporel que spirituel, du pain à donner à tous.
    § 2830 " Notre pain ". Le Père, qui nous donne la vie, ne peut pas ne pas nous donner la nourriture nécessaire à la vie, tous les biens " convenables ", matériels et spirituels. Dans le Sermon sur la montagne, Jésus insiste sur cette confiance filiale qui coopère à la Providence de notre Père (cf. Matthieu 6,25-34). Il ne nous engage à aucune passivité (cf. 2 Thessaloniciens 3,6-13) mais veut nous libérer de toute inquiétude entretenue et de toute préoccupation. Tel est l’abandon filial des enfants de Dieu.

    § 2835 Cette demande, et la responsabilité qu’elle engage, valent encore pour une autre faim dont les hommes dépérissent : "L’homme ne vit pas seulement de pain mais de tout ce qui sort de la bouche de Dieu" (Matthieu 4,4 en référence à Deutéronome 8,3b.), c’est-à-dire sa Parole et son Souffle. Les chrétiens doivent mobiliser tout leurs efforts pour " annoncer l’Evangile aux pauvres ". Il y a une faim sur la terre, " non pas une faim de pain ni une soif d’eau, mais d’entendre la Parole de Dieu " (Amos 8,11). C’est pourquoi le sens spécifiquement chrétien de cette quatrième demande concerne le Pain de Vie : la Parole de Dieu à accueillir dans la foi, le Corps du Christ reçu dans l’Eucharistie (cf. Jean 6,26-58).

    § 2836 "Aujourd’hui" est aussi une expression de confiance. Le Seigneur nous l’apprend (cf. Matthieu 6,34 ; Exode 16,19) ; notre présomption ne pouvait l’inventer. Puisqu’il s’agit surtout de sa Parole et du Corps de son Fils, cet " aujourd’hui " n’est pas seulement celui de notre temps mortel : il est l’Aujourd’hui de Dieu.

    § 2837 " De ce jour ". Ce mot, épiousios, n’a pas d’autre emploi dans le Nouveau Testament. Pris dans un sens temporel, il est une reprise pédagogique de " aujourd’hui " (cf. Exode 16,19-21) pour nous confirmer dans une confiance " sans réserve ". Pris au sens qualitatif, il signifie le nécessaire à la vie, et plus largement tout bien suffisant pour la subsistance (cf. 1 Timothée 6,8). Pris à la lettre (épiousios : "sur-essentiel"), il désigne directement le Pain de Vie, le Corps du Christ.

    Notes et références

    1. éd. Bayard, Cerf et Mame, novembre 2017, p.59-60.
    2. Archevêque de Montpellier, Vice-Président de la Conférence des évêques de France.
    3. Matthieu 4,4 en référence à Deutéronome 8,3b.
    4. Cf. Proverbes 30,8-9 : "Ne me donne ni pauvreté ni richesse, accorde-moi seulement ma part de pain. Car, dans l’abondance, je pourrais te renier en disant : "Le Seigneur, qui est-ce ?" Ou alors, la misère ferait de moi un voleur, et je profanerais le nom de mon Dieu !"
    5. Les cahiers de 1943, 7 juillet, p. 142-143.
    6. Pierre prit la parole et dit à Jésus : "Voici que nous-mêmes, après avoir quitté ce qui nous appartenait, nous t’avons suivi" - Matthieu 19,27 | Marc 10,28 | Luc 18,28.
    7. Cf. Matthieu 6,25-26.