Luigina Sinapi et Maria Valtorta

    De Wiki Maria Valtorta
    Luigina Sinapi, Chino Bert, éd. Casa Marianae.

    Dans les Lettres à Mère Teresa Maria[1], Maria Valtorta rapporte les démêlées d’une jeune voyante, que Pie XII consultait volontiers, avec certains prélats du Vatican. Elle ne cachait pas son intention d’informer le Saint-Père du blocage, exercé dans son dos, par le Saint-Office envers l’Œuvre de Maria Valtorta. Telle avait été une des demandes que Luigina avait reçues du Ciel.

    Une voyante victime de violences

    Ce n’était pas le seul motif de l’hostilité des prélats du Saint-Office et de l’Antichambre pontificale[2] car ils ne supportaient pas sa proximité avec le Saint-Père, ni ce qu’elle lui disait à cette occasion. Elle eut donc des démêlées, ce qui est un mot faible, car les représailles étaient autant psychologiques que physiques, allant jusqu’à une menace explicite de viol.

    L’affaire est donc très grave, d’autant que la source qui informe Maria Valtorta est sérieuse. Elle est rapportée, le 1er avril 1950, d’abord par Camillo Corsanego puis, le 2 avril, par Lorenzo Ferri. Tous les deux sont des familiers des couloirs du Vatican. Camillo Corsanego était le Doyen des conseillers consistoriaux[3]. Il fut le seul membre laïc à assister aux séances inaugurales du concile Vatican II, ce qui témoigne de sa position. Il fut, par ailleurs, un des membres fondateurs de la Démocratie chrétienne italienne. Lorenzo Ferri, quant à lui, participait au concours de la Porte Sainte qui se déroulait à cette époque.

    Qui est donc cette mystique et pourquoi bénéficiait-elle d'un tel crédit auprès de Pie XII ?

    Maria Valtorta, dans sa correspondance, l’appelle Luciana. Mais deux spécialistes de Maria Valtorta donnent ce prénom comme désignant Luigina Sinapi. En effet, on ne connait pas, de Luciana correspondant à ce profil à cette époque.     

    Emilio Biagini, dans son ouvrage de référence[4], l’avance comme une hypothèse à prendre en compte. Gabriele Cajano, promoteur de sa cause sur les réseaux sociaux, le confirme[5]. Pour lui Luciana serait un prénom de couverture pour garder la discrétion sur ce cas[3]. Ce qui est parfaitement plausible dans le contexte que l’on va découvrir. Nous adhérons pleinement à cette dernière analyse[6].

    La servante de Dieu Luigina Sinapi (1916-1978)

    Luigina Sinapi est née à Itri entre Rome et Naples, le 8 septembre 1916, fête de la Nativité de Marie. Très jeune, elle est familière des jeux avec l’Enfant-Jésus et des anges qu’elle appelle à l’aide pour les personnes en difficulté. Intriguée par ces dons, sa mère la conduit, au milieu des années 1920, au Padre Pio qui bénit Luigina et déclare que Dieu se manifestait en elle. À ceux qui s’étonneraient que le Ciel puisse se manifester si tôt dans la vie, Jésus avait répondu, à propos de l’enfance de la Vierge Marie, par les exemples de jeunes saintes comme Imelda Lambertini, Rose de Viterbe, Nellie Organ ou Nennolina (voir EMV 7.7).          

    L’adolescence de Luigina ne dément pas cette vie dans la proximité de Dieu et de la Vierge Marie. En novembre 1931, sa mère meurt. Commence alors la "Via Crucis"[7] de Luigina. L’année suivante, à 16 ans, Luigina entre dans la jeune congrégation des Filles de Saint-Paul dont la mission est l’évangélisation par les médias. Son directeur spirituel est le Vicaire général de l’ordre, le Père Timoteo Giaccardo (béatifié en 1989). Mais elle ne peut y rester à cause de sa santé délicate[8]. Le soir de Noël 1932, Don Giaccardo lui demande : "Pour l'amour de Jésus, veux-tu t’offrir en victime pour le salut des âmes ?". Luigina répond oui. Don Giaccardo conclut alors : "Va, mon enfant, ta vocation est ailleurs".     

    Il faut s’arrêter ici sur un parallèle entre Luigina et Maria Valtorta. Elle aussi eut l’illumination de sa vocation d’âme victime presqu’au même âge (15 ans révolus), lors de sa dernière retraite au collège de Monza en novembre 1912. Elle écrit, dans son Autobiographie[9]:
    Dieu se manifesta clairement à mon âme et y répandit sa lumière. Je commençais alors à comprendre quelque chose. Ce que je compris était suffisant pour me donner le la du chant que j’aurais dû chanter sur la croix qui allait être la mienne, comme le premier mot de mon acte d’offrande […] : la forme d’une crucifiée très haut, entre ciel et terre, et bien fixée par les clous !
    D’autres similitudes peuvent être mutuellement trouvés dans les vies de Luigina et de Maria, notamment le fait qu'elles furent toutes les deux tertiaires franciscaines puis des Servites de Marie.

    L'extraordinaire d'une vie ordinaire

    Peu de temps après son offrande, Luigina ressent une douleur atroce dans son bassin. C'est une tumeur. Elle reste au lit, dans sa maison d'Itri, pendant deux ans, priant, s’offrant et continuant à prendre soin de ses frères après la disparition de sa mère, car elle est l’aînée. Le 15 août 1935, solennité de l'Assomption de Marie, le curé lui administre l’Extrême-Onction. Luigina voit alors Jésus et Marie qui l'interrogent : "Veux-tu venir immédiatement avec nous au Ciel ou rester sur terre et t’offrir encore comme victime pour l'Église et pour les prêtres ?" En un instant, Luigina voit les conséquences de l'apostasie et les défections qui viendraient dans les années à venir. Elle accepte la deuxième proposition, s'offrant comme une victime à Dieu. Jésus lui dit alors :
    "Comme une personne ordinaire, tu vivras à l'abri des regards du monde. Tu seras peu comprise, tu souffriras beaucoup et tu mourras seule comme moi[10]. Tu seras, comme ton nom l'indique[11], la graine de moutarde dans un sillon de Rome. Tu feras l'expérience de l'extraordinaire dans l'ordinaire. Je te confierai à ma Mère : elle te guidera et te réconfortera. N'ai pas peur."
    Elle eut en effet une vie très ordinaire et fit l'expérience de l'extraordinaire qui s'éclaire par un des nombreux message qu'elle reçut de la Vierge Marie :
    "Je veux que tu sois ma lampe dans la nuit pour dissiper tant de ténèbres que le diable sème en ces temps, spécialement contre l’Église ; sois une lumière pour l'amertume du Pape, pour les déviations des personnes consacrées, pour les menaces contre la jeunesse à travers la presse, les divertissements, les sectes secrètes et les fêtes vouées à ôter la pureté des chrétiens[12]".
    Cet avertissement sur le temps de l'épreuve et de la purification de l'Église est une constante du XX° siècle : Dans une vision de 1884, Léon XIII vit le XXe siècle accordé à Satan pour éprouver le monde et tenter de détruire l’Église[13]. Ce n’est pas sans rappeler le message du Ciel, du 23 décembre 1948[14], que Maria Valtorta remis au Saint-Père en l’avertissant notamment que l’Enfer avançait et l’enjoignant de ne pas faiblir dans la défense de l’Œuvre donnée à Maria Valtorta. Cela rappelle aussi la déclaration, plus tard, du Pape Paul VI du 29 juin 1972 sur "la fumée de Satan" qui s’élevait du milieu du peuple de Dieu.

    La relation privilégiée avec Pie XII

    L’évènement qui va assurer la place privilégiée de Luigina auprès de Pie XII, se déroule en avril 1937 à l'Abbaye delle Tre Fontane, lieu supposé de la décapitation de saint Paul à Rome. Elle va sur ses 21 ans. Elle s’y promenait avec un groupe de jeunes filles de sa paroisse qu’elle avait emmené en pèlerinage. C’était alors un lieu peu ragoutant. Luigina enterre ce qui semblait être les restes d’un enfant avorté. La Vierge lui apparaît alors et lui confie :
    "Exactement dans dix ans, je reviendrai dans cet endroit. J'utiliserai un homme qui persécute aujourd'hui l'Église et veut tuer le Pape ... Maintenant vas sur la place Saint-Pierre, tu trouveras une dame habillée comme ça ... et tu lui demanderas de te conduire chez son frère Cardinal. Vous lui apporterez mon message. De ce lieu, j'établirai le trône de ma gloire à Rome ... Vous direz aussi au Cardinal qu'il sera le futur Pape."
    Elle se rend donc Place Saint-Pierre où elle remarque la personne décrite. Il s’agit d’Elisabetta l’une des deux sœurs du Cardinal Pacelli[15], futur Pie XII, qui était alors un collaborateur proche de Pie XI et dirigeait sa Secrétairerie, le plus important Dicastère du Vatican. En cette année 1937, il avait rédigé pour Pie XI, en lien avec l’archevêque de Munich, l’encyclique Mit Brenender Sorge qui dénonçait le nazisme.         

    La rencontre a lieu et les prophéties se réalisent : d’abord l’élection de Pie XII deux ans après, en mars 1939, puis les apparitions de Tre Fontane en avril 1947, soit dix ans presque jour pour jour, à Bruno Cornacchiola qui se convertit et alla tout dire au Pape qu’il voulait précédemment assassiner. Mais Pie XII avait déjà confié au P. Ricardo Lombardi, un jésuite, qu’il savait déjà tout.        

    Maria Valtorta parle de cette apparition dans ses notes du 28 et 31 décembre 1947. Elles sont intéressantes à relire car elles décrivent le machisme qui règne alors chez certains et faisait traiter les voyantes "d’hystériques" mais donnait une crédibilité immédiate aux voyants. Cela confirme et éclaire en partie les violentes réactions qui vont s’abattre sur Luigina.

    Ces notes sont aussi intéressantes à relire pour cette prophétie (page 466) : "La science reniera Dieu". Ce qu’elle a fait, mais on sait que c’est la science de l’Œuvre qui vole aujourd’hui au secours de l’Évangile éternel.      

    Devenu Pape, Pie XII continua à s’entretenir régulièrement avec Luigina, soit par téléphone, soit par audience. Elle rapporte qu’arrivant un jour couverte d’ecchymoses par les coups reçus de Satan, il lui donne une relique de la Croix en lui disant de toujours la porter en protection contre ces attaques. Elle va en avoir besoin et cela s’avèrera efficace dans les faits que rapportera Maria Valtorta aux dires de MM. Corsanego puis Ferri.     

    Pour l’instant, l’Année Sainte de 1950 est arrivée et Luigina conforte au nom du Ciel, la promulgation du Dogme de l’Assomption sur l’opportunité duquel Pie XII s’interrogeait. Maria Valtorta avait eu aussi un tel message du Ciel en 1947[16], l’année des apparitions de Tre Fontane, et ce vœu du Ciel se terminait par ce message énigmatique : " Si l’on entend ce que je dis par le moyen de l’Œuvre, tu communiqueras ces autres paroles à qui tu sais." 

    Il n’y a pas d’interférences entre les deux voyantes mais, en 1950, leurs routes parallèles vont se croiser un instant.

    La démarche auprès du Saint-Office qui la menace      

    C’est donc en avril 1950 que la correspondance de Maria Valtorta dévoile le dessous de cette rencontre. Voici ce qu’elle en prenant la précaution de signaler que "ce sont toutes des informations contrôlées, confirmées par des personnalités" car ce qu’elle nous dévoile est une réalité violente :
    Ma Mère,       

    […] Écoutez. Et pensez que ce sont toutes des informations contrôlées, confirmées par des personnalités telles que l'honorable Corsanego, venu me voir le samedi 1er avril, et par le professeur Ferri venu le 2 avril. Il est professeur-sculpteur-peintre, lauréat des esquisses pour les portes de Saint-Pierre à Rome. Il est venu vers moi parce qu'il sera l'illustrateur de l'œuvre[17] (il donne son œuvre gratuitement pour honorer Jésus et Marie), puis parce qu'il travaille à faire des figures du Christ depuis 22 ans; mais, après avoir lu l'ouvrage (c'est un vrai catholique), il s'est rendu compte qu'il avait fait des Christs qui ne sont pas ressemblants.         

    […] Sachez qu'à Rome vit une âme guidée sur des chemins extraordinaires, une femme de pas encore trente ans qui est souvent appelée par le Saint-Père pour avoir des lumières surnaturelles.       

    Naturellement, le Saint-Office et l'Antichambre pontificale, ainsi que de nombreux prélats de la Curie romaine la détestent car elle révèle au Saint-Père les dessous, loin d'être édifiants, de tant de prélats ... Mais ils ne peuvent l'empêcher d'aller chez le pontife parce qu'elle a un pouvoir paralysant, alors si elle le veut, elle passe sans que les obstacles puissent la retenir[1].
    On remarquera cette protection du Ciel que l’on retrouve mentionnée dans les Évangiles où les ennemis de Jésus ne peuvent rien faire tant que l’heure n’est pas arrivée. On la trouve de même dans la vie des mystiques.
    Au début de sa mission, elle fut calomniée, traitée "d'hystérique", de "possédée" et ainsi de suite. On lui fait des exorcismes. On a essayé de la faire enfermer, d'abord dans un hôpital psychiatrique, puis dans un couvent. Mais en fin de compte, ils ont dû abandonner et la laisser faire.    

    En janvier (vers la fin du mois) N. S. J.C. lui a donné l'ordre de se rendre au Saint-Office pour reprocher à ces ... messieurs le mal qu'ils ont fait aux âmes en refusant l'impression de l'Œuvre; celui qu'ils ont fait au Saint-Père, que tous accusent d'être l'auteur du blocage alors qu'il croit l'Œuvre approuvée et publiée, approuvée selon ses directives; celui qu'ils ont fait à moi, qui ai été trompée par eux; enfin le mal fait à un ordre religieux qui tirerait du prestige et de l'utilisation de son travail pour ses missions ravagées par la guerre.        

    Imaginez ce qui s'est passé ! 

    Ils s'en sont pris furieusement à elle, disant "qu’elle n'aurait pas dû s'en occuper, parce qu'ils savaient ce qu'ils faisaient, et s'ils interdisaient l'impression c'était parce que cette Œuvre était le fruit hérétique d'une femme possédée" et ainsi de suite.". Et lorsque Luciana déclara: "Je vais aller voir Sa Sainteté et lui révéler vos agissements", ils lui intimèrent : "Malheur à toi si tu lui parles de cela ! Nous te l'interdisons". Luciana répliqua : "Dieu veut que je parle, et je parlerai !".         

    Ils l'ont alors battue[18] puis ils l'ont exorcisée jusqu'à ce qu'elle lance : "C'est vous-mêmes que vous devez exorciser, car le diable est en vous, pas en moi."  

    Alors ... ils ont essayé de la violer[19] (vous comprenez ?) En disant : "Nous allons te faire passer les visions ! Lorsque ton utérus sera fatigué et satisfait, tu verras que tout sera passé ! ". Après cela, ils prennent mal le fait que Dieu dicte : "Mon Église n'est plus sainte, et c'est pour cette raison que le communisme et le châtiment de Dieu arrivent !"

    Mais grâce à son pouvoir, Luciana, avec paralysa celui qui s'apprêtait à lui ôter sa pureté (Luciana n'est pas mariée) et la paralysie n'a pas cessé jusqu'à ce que, huit jours plus tard, il avoue publiquement qu'il avait tenté de lui faire violence"[1].

    Luigina en réfère à Pie XII

    Pendant ce temps, Luciana est allée voir le Saint-Père et lui a tout raconté, et tout d'abord que Dieu lui avait dit que l'œuvre (de Maria Valtorta) venait de Dieu.   

    Le Saint-Père est tombé des nues parce qu'il avait donné d'autres directives. Il a déclara: "Je vais appeler une personne et la questionner. Ce qui est certain, c’est que je n'ai pas des aides, mais des Judas".           

    Luciana est revenue quelques jours plus tard en apportant une déclaration dans laquelle il est dit que "Mgr Carinci, l'hon. Corsanego et l'Honorable Tredici, Mgr Lattanzi, le Père Roschini, etc., etc., ont lu et jugé, etc., etc., il est donc demandé que sa Sainteté intervienne, etc., etc.". Le Saint-Père l'a mise dans son bréviaire, assurant qu'il a toujours été très favorable à la publication (de l’Œuvre) et qu’il la veut. Luciana voulait que cela soit écrit sur la déclaration pour la montrer à ceux du Saint-Office. Mais Sa Sainteté a répondu : "Non. Je ne veux pas agir par intimidation. Je les appellerai pour les faire réfléchir, et s'ils s'opposent, je prendrai la chose en main". De fait, il appela Mgr Ottaviani, Conseiller du Saint-Office, mais celui-ci ne voulut rien entendre.

    Alors Sa Sainteté a commencé à examiner personnellement la question, en écartant toutes les Congrégations. Il avait en effet trouver en chacune d'elles des indifférents ou des sournois qui ne l'avertissaient pas de la vérité des choses, même s'ils avaient l'occasion de le rencontrer en privé chaque semaine.        

    Luciana retournera voir le Saint-Père pour lui répéter la communication directe de Jésus selon laquelle l'Œuvre vient bien de Dieu qui veut sa publication"[1].
    Le Ciel fut semble-t-il indigné lui aussi si on croit le fait que Maria Valtorta rapporte dans une lettre suivante[20] :
    "Je ne sais si vous avez appris que le soir du jeudi saint, le Père Mariano Cordovani Maître des Saints Palais, théologien de la Secrétairerie d'État, petit chef du Saint-Office et opposant principal à l'Œuvre, est mort à l'improviste d'une paralysie foudroyante sans même avoir le temps de dire "Mon Jésus !".
    Peu de temps après, Maria Valtorta voit le visage du Père Cordovani émerger des flammes du Purgatoire. Il la regarde de manière contrite, sans pouvoir parler. C’est Jésus qui commente : "Est-ce que tu le vois ? Le reconnais-tu ? Il est là. Et il sera là longtemps, longtemps, longtemps au seul motif d'avoir combattu Moi, toi et l'Œuvre, agissant contre la Sagesse, la Charité, la Justice. Marques ce que tu vois, brièvement, et ce que je dis, avec la plus grande exactitude. Parce que c'est la vérité, pour celui que tu as vu et pour beaucoup de ceux qui ont agi ou agiront comme lui[21]." C'est pourquoi sa mort fut interprète comme un signe.

    On le voit dans ces épisodes, le Pape Pie XII n’est ni respecté, ni obéi par certains membres du Saint-Office qui finissaient par se croire en droit de censurer ce pape de 74 ans. Ce manque de considération se retrouvera deux ans plus tard quand Mgr Giovanni Pepe, chargé de la censure des livres mis à l’Index, en 1952, des livres parlant du Padre Pio sans en référer au Saint-Père qui le congédiera.

    L'œuvre traverse les tribulations

    Le Saint-Père continua à voir Luciana et à l’informer de la controffensive qui s’organisait au Vatican en faveur de l’Œuvre donnée à Maria Valtorta. Elle en parle dans une autre lettre[20] :
    I - Luciana, cette personne dont je vous ai parlé, est revenue vers Sa Sainteté le 29 mars (1950). Sa Sainteté a reconfirmé qu'il s'occupait personnellement de la question. En fait, le Mémorandum que Luciana lui avait apporté quelque temps auparavant, et qui exposait la pétition et le dessein de l'honorable Corsanego et Tredici et de Mgr Lattanzi, et que Sa Sainteté avait mis dans son Bréviaire, était passé de Sa Sainteté au cardinal Nicola Canali, qui est l'un des cardinaux du Saint-Office et cardinal Protecteur de l'Ordre des Servites de Marie.

    II. Il a ensuite dit à Luciana que l'honorable Corsanego et Tredici, Mgr Lattanzi et le Père Roschini, théologien principal de l'Ordre des Serviteurs de Marie, et réviseur de livres au Saint-Office, ainsi que membre de la Congrégation des Rites (donc avec S. E. Mgr Carinci) demandaient à nouveau la tenue d’une audience spéciale.       

    III. Le père Roschini, avant de le faire, s'était entretenu avec Luciana et avait été persuadé que tout était vrai. À tel point qu'il me l'a écrit avec ces mots: "Il semble que la résurrection de l'œuvre est maintenant proche". 

    IV - Le professeur Ferri s'est également entretenu avec Luciana, celui qui a fait les deux têtes de Jésus, dans ma chambre le dimanche des Rameaux. Il lui montra plusieurs têtes, dont ces deux-là, et Luciana dit avec confiance : "Ceci c'est Lui, les autres ne le sont pas." Des preuves de plus en ma faveur.

    V. Le 17 au soir, les Pères Migliorini et Berti se sont rendus chez l'honorable Corsanego pour lui dire de renouveler la demande d'audience auprès du chef de l’Antichambre, Mgr Callori di Vignale[22]. Maintenant nous verrons s'il répète le faux-semblant de dire "oui" et ensuite de dire "non-accordé par ordre de Sa Sainteté". Dans ce cas, Luciana retournera au Saint Pontife et fera son rapport. Mais je crois qu'après les punitions de Dieu, un tel désir passera !

    […] VI. Le directeur spirituel de Luciana m'a également écrit en disant : "Ne vous inquiétez pas que l'ouvrage soit imprimé, car Jésus l'a dit clairement même par Luciana. Nous attendons l'heure opportune qui viendra certainement. Nous l’attendons avec une grande foi et confortons l'effet par la contribution de notre souffrance et de notre prière "
    Face à ce vent d'optimisme Maria Valtorta ne veut pas croire aux prédictions pessimistes du P. Luigi Maria qui pressent plutôt le blocage de l'œuvre. Ce prêtre, Lopalco Francesco de son vrai nom, était un passioniste directeur spirituel de Mère Teresa Maria et, à partir de 1946, de Maria Valtorta. Ce n'était pas, à franchement parler, un soutien de la voyante.

    L’heure opportune de la publication arriva cependant avec beaucoup d’appréhension et de prudence, en 1956. Rien ne se passa, ni en 1957 pour le second volume, pas plus en 1958 pour le troisième volume et année de la mort de Pie XII. Tout changea en décembre 1959 : le pape protecteur de l'œuvre étant mort, le Saint-Offcie tint sa revanche par la mise à l'Index. Elle dura six ans, le temps de son abolition. Quand au lectorat, son enthousiasme faiblit à peine avant de repartir de plus belle car c’est le propre des brebis d’écouter la voix du Bon Pasteur (Jean 10,27) et personne ne peut les en séparer.

    Quant à Luigina Sinapi la malmenée qui vécut tant d'extraordinaire dans sa vie ordinaire elle commença à avoir sa reconnaissance : le 22 mai 2009, au terme d’une enquête de 5 ans, le Vicariat de Rome (Chancellerie diocésaine de Rome, diocèse du pape) a remis sa "Positio" (= le rapport final) à la Congrégation pour les Causes des Saints pour initier sa cause en béatification.

    Notes et références

    1. 1,0 1,1 1,2 et 1,3 Lettres à Mère Teresa Maria, tome 2, avril 1950 (quantième non précisé) p. 294-295.
    2. Anticamera pontificia peut se définir comme l’administration chargée de l’activité du Saint-Père.
    3. Corps des avocats habilités à plaider devant les tribunaux du Vatican pour toutes sortes de causes, y compris les causes de béatification.
    4. Emilio Biagini, Maria Valtorta. La testimone della vita di Cristo, CEV 2019, page 98, note n° 19.
    5. Par correspondance privée, en réponse à une question que nous lui avions posée.
    6. Luigina elle-même recourrait à des pseudonymes, tant elle souhaitait rester effacée. Elle publie ainsi, en 1951, la "Via Crucis dell’Amabilità" sous le pseudonyme de "Monialis". Puis, en 1954, elle s’inscrit sous le pseudonyme de "Suor Eugenia" (en référence au Pape Eugenio Pacelli) lorsqu’elle s’inscrit comme tertiaire des servites de Marie, une caractéristique qu’elle partage avec Maria Valtorta qui, comme elle, avait été auparavant Tertiaire de St-François (La Serva di Dio Luigina Sinapi {it}, Rosalia Azzaro Pulvirenti, pages 12 et 27).
    7. Via Crucis, ou chemin de Croix, désigne ici l’itinéraire mystique qui, à l’imitation du Christ et à sa suite, unit spirituellement et physiquement, l’âme au sacrifice de la Croix.
    8. Il s'agit d'un des nombreux points communs avec Maria Valtorta qui voulut, elle aussi (en 1927, à 30 ans) entrer dans la Compagnie de Saint-Paul, mais qui dut y renoncer en raison de sa santé (Autobiographie, p. 317-320).
    9. Autobiographie, p. 148.
    10. Effectivement, elle mourut seule. le 17 avril 1978. Selon son médecin, le Dr Marco Grassi, ses derniers jours furent accompagnés de grandes souffrances qu’elle supportait avec patience, disant seulement : "J’attends !". On la trouva morte, le visage tourné vers le tabernacle de la chapelle qu’elle avait aménagée dans son appartement de Rome, 51 Via Urbino. Ses obsèques eurent lieu dans la Basilique Sainte-Croix de Jérusalem (Santa Croce in Gerusalemme), là même où sont conservées des reliques de la Passion (La Serva di Dio Luigina Sinapi {it}, Rosalia Azzaro Pulvirenti, page 42).
    11. Moutarde se dit senape (pluriel senapi).
    12. Santi e beati {it}, Serva di Dio Luigina Sinapi Veggente, Con Pio XII e Padre Pio.
    13. Le 13 octobre 1884, Léon XIII assiste à un dialogue entre Dieu et Satan. Le diable se vante de détruire l’Église moyennant un surcroît de temps et de puissance. Dieu les lui accorde pour une durée de cent ans.
    14. Les Carnets, 23 décembre 1948.
    15. La fratrie comptait Giuseppina, Francesco, (Eugenio) et Elisabetta, la dernière. La famille était issue de la noblesse pontificale. Eugenio fut le seul à avoir une vocation religieuse.
    16. Les cahiers de 1945 à 1950, dictée du 23 octobre 1947.
    17. Il s’agit des visions de la vie de Jésus publiées plus tard sous le titre de L’Évangile tel qu’il m’a été révélé.
    18. "La picchiarono" dans le texte original. Picchiare implique la violence physique = malmener, battre, frapper, etc.
    19. Littéralement : allora tentarono farle violenza carnale.
    20. 20,0 et 20,1 Lettres à Mère Teresa Maria, tome 2, lettre non datée, p. 299-300.
    21. Les Carnets, 6 juin 1950.
    22. Mgr Federico Callori di Vignale (1890-1971). Il fut par la suite secrétaire particulier de Jean XXIII et nommé cardinal par Paul VI.