Mgr Biagio Musto et Maria Valtorta

    De Wiki Maria Valtorta

    Biagio Musto est né le mercredi 12 juillet 1905 à Montemiletto dans l'arrière-pays napolitain et mort à Sora le vendredi 9 avril 1971, dans la nuit du Jeudi au Vendredi-Saint. C'était donc l'anniversaire de l'agonie au Gethsémani. Son prénom, Biagio (Blaise en français) se réfère à St Blaise de Sébaste, l'un des 14 saints auxiliateurs, c'est-à-dire particulièrement secourables, notamment pour les maux de gorge. En Italie 120 communes portent son nom.

    À 23 ans, le 23 février 1929, il est ordonné prêtre[1]. On sait peu de choses sur cette période jusqu'à sa nomination, le 7 février 1951 comme coadjuteur de Mgr Michele Fontevecchia qui devenait aveugle. Il est ordonné évêque peu de temps après (22 avril) et succède à Mgr Fontevecchia dès le 19 avril 1952 et y restera jusqu'à sa mort 19 ans plus tard.

    Si Mgr Fontevecchia est contemporain des premières démêlées de l'œuvre de Maria Valtorta avec le Saint-Office, Mgr Musto sera celui de la mise à l'Index.

    Le site du diocèse de Sora le présente[2] comme un bâtisseur préoccupé de ramener dans sa patrie d'origine, les reliques de St Thomas d'Aquin. Mgr Musto, selon le portrait qu'on en dresse, était "un homme déterminé dans ses projets qui savait apprécier le bien réalisé par ses collaborateurs", mais il était aussi "dur et autoritaire", plus craint qu'aimé.

    Calendrier des principaux évènements vécus par Mgr Biagio Musto (1951-1971)

    Au moment où Mgr Musto devient évêque de Sora, l'œuvre de Maria Valtorta est donc sous surveillance. Voici, en rappel, les évènements qui se déroulent à cette époque :

    • 29 janvier 1952 : supplique au Saint-Père à l'initiative de Mgr Carinci.
    • 3 août 1952 : Mgr Giovanni Peppe met à l'Index des livres interdits, huit livres parlant de Padre Pio sans en référer à Pie XII ce qui entraîne sa demande de démission.
    • 10 juillet 1953 : mort du Père Romualdo Migliorini.
    • Juin 1956 : Publication du premier tome de l'œuvre de Maria Valtorta sous le titre de Poema di Gesù.
    • 9 octobre 1958 : mort de Pie XII.
    • 1959 : Publication du dernier des quatre tomes de l'œuvre de Maria Valtorta.
    • 16 décembre 1959 : Signature du décret de mise à l'Index.
    • 6 janvier 1960 : Publication du décret dans l'Osservatore romano assorti d'un commentaire.
    • 12 octobre 1961 : mort de Maria Valtorta.
    • décembre 1961 : Convocation du Père Berti pour une reprise de dialogue.
    • 21 juin 1963 : élection de Paul VI, ancien secrétaire de Pie XII.
    • 14 juin 1966 : abolition en droit et en conséquences de l'Index des livres interdits.

    L'enquête diligentée par le Saint-Office

    Dans la lettre qu'il écrira le 27 mai 1992 à Mgr Dionigi Tettamanzi, secrétaire de la conférences des évêques d'Italie, Emilio Pisani note :
    "Je me souviens qu’à la fin des années cinquante, quand j’avais un peu plus de vingt ans, mon évêque Mgr Biagio Musto m’a appelé à l’évêché pour un rapport sur la situation valtortienne, qui lui avait été demandé par les autorités supérieures. Depuis cette conversation lointaine, très cordiale bien que ce fût une sorte d’interrogatoire, jusqu’au jour où j’ai reçu votre lettre, Excellence, nous avons été presque écartés de toute occasion de dialogue avec les Pasteurs de l’Église."
    Il ne précise pas la date de l'entrevue ni les sujets d'interrogation. Il note seulement qu'elle eut lieu à la fin des années cinquante et qu'elle fut cordiale. On ne peut donc que conjecturer sur la motivation de cette entrevue car elle correspond à la publication de l'œuvre. Une publication qui ne fut inquiétée qu'après la mort de Pie XII. Elle est cependant nécessairement en lien avec les évènements qui se déroulaient alors (voir ci-dessus).

    Comme le confirme le témoignage de Marta Diciotti (voir ci-dessous), l'autorité supérieure est le Saint-Office. L'épisode doit se situer en 1956. Emilio Pisani a alors 22 ans et il est normal que le Saint-Office enquête sur un livre paraissant sans nom d'auteur et fasse ainsi le lien avec les tapuscrits de Maria Valtorta qu'ils avaient voulu détruire[3]. Mais cela confirme aussi que le Saint-Office ne sanctionne pas l'œuvre du vivant de Pie XII qui en avait encouragé la publication. Il y avait pourtant, selon eux, des motifs de le faire car l'article de l'Osservatore romano du 6 janvier 1960 fait allusion a des passages de ce premier tome[4]. Cela confirme aussi que Mgr Musto était bien en lien avec le Saint-Office à propos de l'œuvre de Maria Valtorta et donc que les pressions qu'il dit avoir subit étaient plausibles.

    L'aveu à Marta Diciotti

    L’interrogatoire de Mgr Musto, auquel fait allusion Emilio Pisani dans la lettre du 27 mai, semble être confirmé par le témoignage de Marta Diciotti recueilli par Albo Centoni][5] :
    […] L’évêque de Sora, Mgr Biagio Musto, qui aurait pu accorder l’imprimatur en tant que responsable du diocèse où se trouve les Éditions Pisani, le soir de sa fête — le 3 février 1970, après la représentation du «Pleurs de la Vierge», tiré du "Poème[6]" et récité par Mlle Anna Maria Palmi dans la même cathédrale de Sora (une vieille dame a déclaré en dialecte n’avoir jamais autant «pleuré» de sa vie)[7] — a eu la gentillesse de nous inviter dans son appartement : le Père Berti, Emilio et Claudia Pisani, ainsi que moi-même et quelques autres personnes.

    Il m’a fait une grande fête et de nombreux compliments, tenant longuement ma main dans la sienne avec une grande, grande affabilité.

    À cette occasion, il a exprimé son enthousiasme pour le "Poème", dans lequel il disait avoir trouvé des pages magnifiques, merveilleuses. Et ces mêmes paroles n’étaient certainement pas de circonstance, tant par la chaleur avec laquelle elles étaient prononcées que parce que je les avais entendues peu de temps auparavant dans la cathédrale alors qu’il parlait avec un homme laïc à ses côtés.

    Ensuite, il nous a dit que si cela dépendait de lui, après la révision nécessaire, il aurait accordé l’imprimatur, s’il n’en avait pas été empêché.

    À moi particulièrement, après m’avoir prise à part et m’avoir offert des chocolats, il a dit ouvertement : « Oh, comme j’aurais volontiers accordé l’imprimatur, si quelqu’un n’était pas venu me l’arracher des mains ! S’il vous plaît, priez Marie pour moi[8] ».

    Et il faisait certainement référence à la Sainte Congrégation de Rome. [...] L’allusion à la Sainte Inquisition faite par ce cher et vénérable évêque de Sora, Mgr Biagio Musto, était évidente.

    […] Mgr Biagio Musto, malheureusement, est décédé peu de temps après cette réception mémorable pour moi : précisément le soir du jeudi-saint de l’année suivante, après les célébrations liturgiques. Cela m’a beaucoup attristée, d’autant plus que j’attendais sa visite dans cette maison[9], comme il l’avait promis. Il devait venir à l’occasion de la cure thermale qu’il prévoyait de faire à Montecatini[10]. En fait, l’éditeur m’avait avertie, ajoutant même de compter là-dessus : « Regarde, je le connais et je sais qu’il tient ses promesses. Attends-le donc. Mieux encore, prépare-toi ».

    Malheureusement, sa mort soudaine n’a pas permis la réalisation de ce projet, dont la simple pensée me réjouissait énormément.

    Sur le plan moral, cela me semblait être une manière de procurer une satisfaction posthume à la pauvre Maria, qui avait tant langui dans le désir d’une approbation ecclésiastique : un désir non seulement frustré, mais même ridiculisé par la couronne déchirante d’une mise à l’Index.

    Naturellement, dans ce cas, on n’avait pas évoqué la question de l’imprimatur, dont l’importance avait peut-être perdu un peu de sa vigueur : il s’agissait simplement d’une reconnaissance morale qui aurait pu briser certaines barrières, toujours prêtes à surgir dans la question valtortienne, mais qui surtout honorait ce noble prélat devant Dieu et les hommes.. […]
    Mgr Musto avait du entendre parler de l'œuvre de Maria Valtorta par Mgr Fontevecchia dont il fut le coadjuteur pendant un an et demi. Mgr Fontevecchia se la faisait lire. Toujours est-il qu'il la lue et qu'il l'appréciait au point d'avoir voulu lui accorder l'imprimatur après révision. Cette mention se réfère à la conclusion de Mgr Ugo Emilio Lattanzi pour qui l'œuvre était préternaturelle (au-dessus des seules possibilités humaines) mais qui n'avait pas adhéré aux nombreuses descriptions de l'ouvrage.

    Mgr Musto, pourtant légitime dans sa volonté d'accorder l'imprimatur, fut fermement empêché de le faire. Fut-ce par une visite ou par une conversation téléphonique, on ne sait, mais Mgr Musto en garda le goût de l'humiliation qui semblait le hanter encore, quinze ans après. L'espoir de cette rencontre, qui n'eut jamais lieu, entre Marta Diciotti et Mgr Musto brusquement décédé, indique bien la douleur de la mise à l'Index qui fut celle de Maria Valtorta et de Marta Diciotti, et qui reste la nôtre. Vingt ans plus tard, le cardinal Ratzinger délivrant son Nihil obstat par lettre privée à "L'Homme nouveau" réalisait le vœu que Marta Diciotti formulait en souvenir de Maria Valtorta.

    Notes et références

    1. Données biographiques extraites de sa notice sur Catholic-Hierarchy.
    2. Pastorale Digitale, avril 2021.
    3. Voir l'article Mgr Giovanni Pepe et Maria Valtorta.
    4. "Au volume 1, page 63, on lit sous ce titre : "Marie peut-être appelée seconde-née du Père", affirmation répétée en tête de la page suivante. Les précisions, tout en évitant une hérésie authentique, n’enlèvent pas l’impression fondée qu’on veut construire une nouvelle mariologie qui dépasse facilement les bornes de la conformité théologique." (Osservatore romano, 6 janvier 1960).
    5. Albo Centoni - Una vita con Maria Valtorta - Testimonianze di Marta Diciotti, CEV 2017, p. 387-388.
    6. Connu maintenant comme "L’Evangelo come mi è stato rivelato (L'Évangile tel qu'il m'a été révélé)".
    7. Ce spectacle émouvant est à rapprocher du spectacle donné en novembre 2021 au Théâtre du Nord-ouest à Paris sous le titre "Lamentations de la Vierge, de Maria Valtorta", mise en scène par Jean-Luc Jeener et exprimé par Marie Hasse avec la même puissance émotionnelle.
    8. Marie ? ou plutôt Maria (Valtorta) ? Le texte italien dit "preghi Maria per me". Un évêque aurait sans doute utilisé une expression de type "preghi la Madonna per me" s'il s'était agit de la Vierge Marie.
    9. Celle de Viareggio (la Casa Valtorta) où elle habitait après la mort de Maria Valtorta.
    10. Les Thermes de Montecatini sont la plus grande station thermale d'Italie et l'une des premières d'Europe. Ils sont situés à environ 50 km de Viareggio sur la route de Pistoia.