Vie spirituelle de Maria Valtorta
"Seigneur, je ne te demande pas la gloire des visions, mais la grâce de t’aimer toujours plus.[1]".
Les écrits inspirés de Maria Valtorta sont d’une telle valeur qu’on serait tenté d’en faire rejaillir la gloire sur elle-même et de la déclarer sainte pour le simple fait de nous avoir permis de les découvrir. En effet, tous ces retours à Dieu, toutes ces conversions, toutes ces intimités avec le Ciel auraient-ils pu exister sans sa participation et sans sa sainteté ? C’est Maria Valtorta qui transcrivit tous ces écrits inspirés. Elle est devenue "porte-plume de Dieu", ce qui n’est pas à la portée du premier venu. On est donc surpris quand Jésus lui précise : "L’Œuvre, c’est moi qui l’ai donnée. C’est mon don, pas un mérite de ta part"[2].
Maria n’aurait-t-elle donc aucun mérite ? Sa vie offerte de grabataire ne serait-t-elle qu’une situation commode pour lui permettre de remplir cette fonction ? Bien au contraire. En conclusion de l’Œuvre, Jésus prend soin de préciser que Maria est cause de ce don parce qu’elle a su aimer Dieu de tout son être et ses frères pareillement : "Et ici prend fin l’Œuvre que mon amour pour vous a dictée, et que vous avez reçue à cause de l’amour qu’une créature a eu pour Moi et pour vous[3].
Si Jésus s’affirme comme seul Auteur de l’Œuvre, c’est pour mieux attester de son origine et mieux montrer les mérites propres de Maria Valtorta. Il rajoute en effet, juste après :
"Tu ne seras pas sainte pour avoir écrit l’Œuvre, mais en raison de ton sacrifice, pour toute ta vie d’amour et de sacrifice[4]".
Elle sera donc sainte, c’est dit, c’est écrit. Mais elle le sera par sa vie d’amour et de sacrifice et non pour avoir transcrit des œuvres inspirées au premier rang desquelles on trouve l’Évangile tel qu’il m’a été révélé[5].
Ce témoignage se trouve dans ses écrits personnels
Si nous voulons nous intéresser à la spiritualité de Maria Valtorta, et donc à sa sainteté, il nous faut mettre ces œuvres inspirées en arrière-plan pour mieux mettre en lumière ses pensées et ses sentiments exprimés principalement dans ses écrits d’auteur. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre cette dictée de Jésus du 17 février 1946[6] qu’il donne peu de temps après que Maria Valtorta ait consigné, sur son instruction, "son calendrier mystique[7]".
"Comme je te l’avais demandé, tu as mis par écrit tes prières d’amour ainsi que les étapes que tu as déjà parcourues sur le chemin de croix. Celles-ci ont davantage de valeur que toutes les visions et les dictées. Ces dernières sont pour toi une "école" dont tu es l’écolière. Mais les premières sont les "examens" de ce que tu es. Or tu sais bien que l’on ne peut se prétendre instruit à moins de le prouver par des examens. Tant qu’on est sur les bancs de l’école et qu’on écoute d’une oreille distraite, sans faire preuve de bonne volonté, peut-on se dire instruit ? Non, ce n’est pas possible. Mais quand, à la fin des études, on fait la preuve des connaissances que l’on possède et que l’on parle en fonction de la sagesse que l’on a en soi au lieu d’écouter un professeur, c’est alors seulement que l’on peut dire : "Voilà ce que pense cet étudiant." En signe d’approbation on lui remet un certificat qui lui ouvre la porte des emplois et des revenus professionnels. En ce qui te concerne, les portes des profits célestes, la possession de Dieu, te seront ouvertes, non pas parce que tu es "porte-parole", mais parce que tu es victime volontaire : en effet, par la parole de l’âme, par la parole de l’amour, tu as écrit "ces" paroles-ci et couché sur le papier ce que ton âme faisait déjà. Cela seulement aura de la valeur pour te juger sur la terre et au ciel. Cela seulement expliquera pourquoi j'ai fait de toi mon porte-parole : parce que tu as montré de la bonne volonté et un fort amour."
Elle fut donc "à l’école" des visions et des dictées. Nous verrons plus tard quels sublimes fruits cela produisit en elle… et chez leurs lecteurs. Mais on comprend bien que son "certificat de sainteté" se trouve dans sa vie. Jésus le dit : c’est là que se trouve la valeur qui permettra de juger Maria "sur la Terre et au Ciel".
La "violette" n'a aucune apparence extraordinaire
Maria Valtorta est l'humble violette du Calvaire selon la première vision qu'elle eut. Elle n'est pas une mystique remarquable par des phénomènes extérieurs extraordinaires mais par la profondeur de sa vie mystique. Jésus l'explique :"Sous ton apparente normalité de créature tout à fait normale qui mange, boit, dort comme tout mortel, qui n’a pas ni extase, ni jeûnes inexplicables, ni sueurs de sang, ni stigmates ni rien d’autre, et dont l’équilibre psychique est parfait — et aussi mental, pour contredire ceux qui prétendent le contraire —, il y a des faits extraordinaires qui sont le signe de ce que tu es et de ce que, moi, je suis en toi: le Tout, l’Origine, l’Explication, la Fin de ton être[8]."L'Abbé René Laurentin commentait ainsi cette particularité :
"L'erreur courante en ce domaine, c'est qu'on entend "surnaturel" au sens de "miraculeux", extra-ordinaire, hors du commun : ce qui n’est pas le cas de la grâce. "Les apparitions et révélations de tel voyant ne sont pas miraculeuses !". Il n'y a aucune exception aux lois de la nature, il n'y a rien de préternaturel, mais leur vie dans l'Esprit n'en est pas moins surnaturelle. Elle les élève, les éclaire, les transfigure à bien des titres. C'est, à divers degrés, le cas de nos quatre voyantes. Le surnaturel n'est pas une addition à la nature, comme un chapeau sur une tête disait le Père de Lubac, ni même comme une couronne sur une tête. Il vient de l'amour de Dieu et divinise de l’intérieur la vie des voyantes comme des autres, et leur activité de voyants reste dans le même ordre. Dieu nous pénètre sans se subordonner à nous ni composer avec nous[9]."
Son chemin incessant à la rencontre de l’Amour
Maria Valtorta fit l’offrande renouvelée d’elle-même à l’Amour miséricordieux, selon son inspiratrice, Thérèse de Lisieux, mais elle rajouta une offrande à la Justice divine. Elle s’y configura et reçut les stigmates invisibles. C’était beaucoup, mais Jésus lui demanda encore plus.
"À chaque sacrifice que j’accomplissais, je sentais grandir l’amour en moi. Je me disais pourtant chaque fois : "J’ai atteint le sommet. On ne peut pas aller plus haut". Ah ! Comme je me trompais ! Monter vers la perfection est une montée perpétuelle[10]."
Elle fut clouée au lit, dépouillée du monde et des affections humaines, pour entrer dans la "clôture" divine, là où il n’y avait plus qu’elle et Dieu. Elle l’accepta en confiance, mais l’Amour la poussait plus loin.
Elle confia alors sa vie, ses pensées et ses sentiments à la purification que lui demandait Jésus. Elle dut vivre la nuit de la Foi, si torturante. Et quand, enfin elle laissa vivre Jésus pleinement en elle, elle reçut le don sublime qu’elle transcrivit fidèlement : la vie de Jésus en Palestine, il y a deux mille ans. Des visions desquelles coulent les grâces de la conversion et des retours à Dieu. En les achevant, Maria Valtorta pensait être parvenue au point final de sa course terrestre tant elle avait surmonté d’épreuves et enduré de souffrances. Elle pensait joyeusement à l’Amour qu’elle allait retrouver sans se soucier de savoir si elle était "sainte" ou pas.
Elle se trompait pourtant : elle n’était ni au terme de sa vie, ni au terme de sa sainteté. Celle-ci ne devait pas être ordinaire, mais extraordinaire. Pour cela, il lui fallut affronter d’autres épreuves, subir d’autres opprobres pour tout donner.
- Elle avait affronté Satan, elle allait le voir. Elle connaissait son opposition, elle allait expérimenter sa rage.
- Elle connaissait la solitude, elle allait connaître l’abandon.
- Elle connaissait la joie, elle allait connaître la félicité.
En cela, on peut dire que Maria Valtorta est triplement sainte. Car il y a plusieurs degrés dans la vie de Maria.
- Le premier de ces paliers se situe avant la vision du 22 avril 1943 où elle se vit violette au pied de la Croix. Le surnom de « fleur de carême » que donnent les italiens à cette fleur, lui correspond tout à fait. Ce n’est pourtant pas à ce moment charnière qu’elle devient la violette du Christ, car elle emploie 22 fois ce terme dès son autobiographie. Elle l’était donc bien avant.
- Le second se situe après cette vision où le Christ répond favorablement à sa demande formulée au terme de l’Autobiographie : « à cause de mon sacrifice caché de chaque instant, ô Père, donne-moi des foules d’âmes à t’offrir » [1]. Elle devient alors le « porte-plume de Dieu ». Le dernier des titres de gloire gravés sur sa tombe.
- Puis enfin après sa décision de s’offrir intégralement, jusqu’à son intelligence à l’imitation de Celui qu’elle aimait, donnant jusqu’à son Corps et son Sang et ne gardant sur lui que la souffrance du monde.
LA VOIE GLORIEUSE |
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1897-1913 : Les prédispositions de la jeune Maria. Le dénuement affectif.
1913- 1924 : L’épreuve des amours déçues. L’attentat. |
1924-1943 : La décision d’appartenir au Christ. L’offrande victimale. Le dénuement du "cloître" divin. La sainteté qui s’achève par la demande finale de l’autobiographie. |
1943-1953 : Le porte-plume de Dieu. Les dictées du Ciel. Les opposants et les insouciants. La maturité spirituelle. L’offrande intégrale. |
1954 à 1961 : Le dénuement de la terre et la félicité céleste. |
Si Maria Valtorta partage quelques similitudes avec sa marraine spirituelle, Thérèse de Lisieux, elle témoigne différemment.
- Thérèse Martin s’était épanouie dans une famille aimante, entourée de sœurs et des soins de ses parents, Maria n’a connu que l’âpreté et l’aridité de la vie familiale. Elle avait la solitude des filles uniques et sa mère la priva de toute tendresse.
- Maria Valtorta ne fut pas religieuse, elle affronta le monde, ses luttes, ses amours décevantes et ses amitiés trahies.
Mais toutes deux eurent très tôt un amour : l’Enfant-Jésus et la sainte Face de la Passion pour Thérèse, l’Homme des douleurs pour Maria. L’une fut patronne des missions derrière les murs de sa clôture, l’autre évangélisa enfermée dans les murs de sa chambre.
Tu seras quelqu’un qui vient à moi par d’autres voies, après de nombreuses expériences, et qui m’aimera par le repentir et un sacrifice continuel, long et secret[11].
Maria Valtorta est bien la sainte de notre temps où la course au monde a remplacé la course au Ciel. Celui où la famille malmenée apprend l’âpreté des désunions et la violence de l’enfant objet, où l’Église se bouleverse en tant de défections et en tant de renouveaux.
Aller plus loin dans la découverte
- Son calendrier mystique
- Ses maîtres spirituels
- Acte d'offrande à l'Amour miséricordieux et à la Justice divine.
- Hymne à l'amour et à la souffrance
- Ses stigmates invisibles
- Tertiaire des Servites de Marie
- Ses chapelets
- La Vierge de Fatima dans la vie de Maria Valtorta
Notes et références
- ↑ Les cahiers de 1944, 14 juillet, page 442)
- ↑ Les carnets, 16 décembre 1950, page 221.
- ↑ L’Évangile tel qu’il m’a été révélé, 640.6.
- ↑ Les carnets, 16 décembre 1950, page 221.
- ↑ Id°, nuit du 20 au 21 février 1948.
- ↑ Rapportée dans Les cahiers de 1945 à 1950, 17 février 1946, page 199.
- ↑ Les cahiers de 1945 à 1950, 10 février 1946, page 181 et suivantes.
- ↑ Les Cahiers de 1945 à 1950, 25 décembre 1945, p. 131.
- ↑ La vie de Marie d'après les révélations des mystiques, p. 254-255.
- ↑ Autobiographie, page 285.
- ↑ Autobiographie, page 272.