Le témoignage rendu à Jean-Baptiste

    De Wiki Maria Valtorta
    Jean-Baptiste et les pharisiens, James Tissot (1836-1902), Brooklyn Museum
    Le témoignage rendu par Jésus au Baptiste, est rapporté par Matthieu 11,1-27. Jésus répond à une question que lui transmettent ses émissaires. Le récit forme une unité narrative (péricope) thématiquement centrée sur la révélation de Jésus comme Messie, les réactions humaines à sa mission (de Jean-Baptiste aux villes incrédules), et la souveraineté divine dans la révélation. Cependant, l'exégèse traditionnelle le conçoit non comme une seule péricope unifiée, mais comme une suite de sections interconnectées qui mènent progressivement à la foi. Le texte biblique lui-même présente des transitions marquées, suggérant une compilation de discours et d'événements plutôt qu'un récit continu unique. Ce récit de Matthieu est à rapprocher des récits parallèles de Luc 7,18-35 et de Luc 10,13-15.

    Pour Maria Valtorta (EMV 266) il s'agit au contraire d'un enchaînement cohérent d'un même évènement: l'arrivée des disciples du Baptiste venus l'interroger. Matthieu est le seul disciple témoin, s'étant blessé et n'ayant pas pu partir évangéliser comme les autres (cf. Matthieu 11,1).

    Le questionnement de l'exégèse[modifier | modifier le wikicode]

    L'unité du récit en question[modifier | modifier le wikicode]

    L’exégèse contemporaine considère qu’il ne s’agit pas d’une seule unité narrative (péricope), mais d’un ensemble de plusieurs unités, probablement issues de traditions diverses, que Matthieu a rassemblées dans le cadre narratif du chapitre 11. Il s'agirait en quelque sorte d'un dossier thématique rassemblé autour d’une idée centrale: La réaction des hommes à la personne de Jésus : ouverture ou refus.

    Le texte est habituellement divisé ainsi :

    1. Mattieu 11,1 – Transition narrative (conclusion du discours missionnaire).
    2. Mattieu 11,2–6 – La question de Jean le Baptiste.
    3. Mattieu 11,7–15 – Éloge de Jean et réflexion sur la venue du Royaume.
    4. Mattieu 11,16–19 – Parabole des enfants sur la place : le refus de cette génération.
    5. Mattieu 11,20–24 – Malédictions contre les villes incrédules (Chorazine, Bethsaïde, Capharnaüm).
    6. Mattieu 11,25–27 – L'exultation ("Je te bénis, Père…").

    Ces unités montrent des styles, des thèmes et des destinataires différents, ce qui suggère qu’elles ne formaient pas originellement un bloc unique.

    La violence et le Royaume[modifier | modifier le wikicode]

    Matthieu 11,12, est un verset parmi les plus difficiles de l’Évangile car sa traduction du grec[1] (due à son verbe biazetai) peut conduire à deux sens grammaticalement possibles mais très différents:

    • "Le Royaume des Cieux souffre violence, et des violents s’en emparent."
    • "Le Royaume des Cieux se fraye un chemin avec force, et des hommes vigoureux s’en emparent."

    Trois courants d'exégèse s'en dégagent:

    1. Une Interprétation négative, très présente dans l'exégèse moderne: depuis l’apparition de Jean-Baptiste, la venue du Royaume déclenche une hostilité violente de la part de ses adversaires. Jean est en effet en prison[2], Jésus annonce aux apôtres envoyés en mission, les persécutions qu'ils devront affronter[3].
    2. Une interprétation positive, patristique et spirituelle, encore défendue aujourd’hui: le Royaume demande un engagement vigoureux, une décision totale. Le disciple doit renoncer, lutter, persévérer pour le conquérir. Elle se rattache à l’effort décisif que l'on retrouve par ailleurs[4].
    3. Une interprétation mixte, la plus adoptée aujourd'hui: le Royaume avance avec puissance (se force un passage) et en même temps, des "violents" tentent de le ravir. Le contexte oscille en effet entre accueil et refus (11,7–24). Le Royaume divise, secoue, oblige à se situer.

    Dans Maria Valtorta[modifier | modifier le wikicode]

    Contextualisation[modifier | modifier le wikicode]

    Jésus profite des grandes chaleurs de l'été, moins propices aux longs périples, pour envoyer ses disciples, deux par deux, évangéliser dans les environs "les brebis perdues d'Israël"[5]. Ils se retrouvent à Capharnaüm, chaque fin de semaine, pour le sabbat. La deuxième semaine, Matthieu n'a pas pu repartir, s'étant blessé au pied. Il sera donc le seul apôtre à témoigner de ce qui va se passer à l'arrivée des émissaires du Baptiste emprisonné[6] dans la forteresse de Machéronte.

    La venue des disciples du Baptiste[modifier | modifier le wikicode]

    Jésus est entouré d'un attroupement où fourmille les sollicitations de toute sorte: la guérison de la fille de Jaïre, le synagogue, survenue deux mois plus tôt, est dans tous les esprits. Jésus "se tourne vers les pauvres et les malades - et, dans beaucoup de cas, ce sont à la fois l'un et l'autre - et il écoute avec bonté leurs doléances, donne un secours en argent, conseille par ses paroles, guérit par l'imposition des mains et par la parole. Matthieu, à ses côtés, fait la distribution de l'argent[7]."

    Il est accaparé par le cas d'une veuve: son mari laisse une famille de sept personnes dans la misère: il n'a pas fini ses commandes et dilapidé les économies dans la boisson. Jésus s'engage à venir finir le travail achevé, ce qui ne choque personne car la plupart des rabbis exerçaient aussi une profession[8]. C'est alors que surviennent trois disciples du Baptiste dont un seul a déjà rencontré Jésus[9]: Manahen le frère de lait d'Hérode Antipas, ce qui attire une foule de badauds.

    La question de Jean-Baptiste[modifier | modifier le wikicode]

    Le Baptiste, emprisonné depuis la Pâque, a tenté d'inciter ses disciples à devenir ceux de Jésus. Certains l'ont déjà fait mais d'autres pensent que le faire serait trahir leur maître. Ils les incite donc à aller le trouver: "Allez le trouver et dites lui, en mon nom : Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?[10]". Jésus répond par la référence à Isaïe dont il accomplit la prophétie[11]. Il en démontre la réalité par les guérisons et les bienfaits qu'il vient d'opérer[12]. "Dites cela à Jean. Et dites lui que je le bénis avec tout mon amour." - "Merci, Maître, répondent les envoyés. Bénis nous aussi avant notre départ[13]." Mais Jésus les retient jusqu'au soir pour leur éviter la chaleur étouffante de ce mois d'août[14]. Ce temps est mis à profit pour un long enseignement dont Maria Valtorta ne dit rien.

    L'éloge de Jean et la venue du Royaume[modifier | modifier le wikicode]

    Les deux disciples partent en fin de journée. Manahen reste. "Beaucoup de gens de Capharnaüm se sont rassemblés pour voir ce départ, car la nouvelle de la venue des disciples de Jean et la réponse que leur a faite Jésus ont fait le tour du pays et je crois aussi des autres pays voisins. Je vois des personnes de Bethsaïde et de Chorazeïn, qui se sont présentées aux envoyés de Jean en demandant de ses nouvelles et en lui envoyant leurs salutations[15]."

    On discute d'un miracle éclatant qui achevé de convaincre les disciples. La fille de Jaïre témoigne: "Je ne me souviens pas de ce que c'est que la mort. Mais je me souviens qu'un ange m'a appelée en me faisant passer à travers une lumière de plus en plus vive au bout de laquelle était Jésus. Et comme je l'ai vu alors, avec mon esprit qui revenait en moi, je ne le vois plus maintenant. Vous et moi, en ce moment, nous voyons l'Homme, mais mon esprit a vu le Dieu renfermé dans l'Homme[16]". Cela entraîne une discussion sur les mérites du Baptiste comparés à ceux de Jésus. Plusieurs se lamentent de ce qu'il est sévère jusqu'à paraître dur.

    Jésus intervient alors en faisant un long éloge qu'il conclut ainsi : "Parmi ceux qui sont nés de la femme, il ne s'en est jamais levé un plus grand que Jean Baptiste". Et pourtant le plus petit du Royaume des Cieux sera plus grand que lui homme[17]. Car quelqu'un du Royaume des Cieux est fils de Dieu et non fils de la femme. Tendez donc tous à devenir citoyens du Royaume."

    La force de conquérir le Royaume des Cieux[modifier | modifier le wikicode]

    L'idée que le Baptiste serait devancé par le plus petit du Royaume, amène certains à se poser la question: le Baptiste sera-t-il dans le Royaume et et comment y sera-t-il ? Jésus décrit alors la violence des efforts, à l'instar du Baptiste, qu'il faut exercer sur soi-même pour conquérir le Royaume.
    "Lui, en son esprit est déjà du Royaume et il y sera après la mort comme un des soleils les plus brillants de l'éternelle Jérusalem. Et cela à cause de la Grâce qui, en lui, est sans défaut et à cause de sa propre volonté. Car il a été et il est violent[18] même avec lui-même, pour une fin sainte... À partir du Baptiste le Royaume des Cieux appartient à ceux qui savent le conquérir par la force opposée au Mal et ce sont les violents qui le conquièrent.[19]"
    Il justifie cette détermination par l'annonce qu'il inaugure et que le Baptiste annonçait[20]:
    "Car maintenant, on connaît ce qu'il faut faire et tout est donné pour cette conquête. Ce n'est plus le temps où ne parlaient que la Loi et les Prophètes. Eux ont parlé jusqu'à Jean. Maintenant c'est la Parole de Dieu qui parle et elle ne cache pas un iota de ce qu'il faut savoir pour cette conquête. Si vous croyez en Moi, vous devez donc voir Jean comme l'Élie qui doit venir[21]. Qu'entende qui a des oreilles pour entendre.[19]"  

    L'imprécation contre cette génération et les villes impénitentes[modifier | modifier le wikicode]

    C'est la distance entre cette annonce pour le Royaume et l'accueil qu'on lui réserve qui motive l'imprécation contre cette génération
    "Elle est semblable à celle que décrivent ces garçons qui, assis sur la place, crient à leurs compagnons :  "Nous avons joué et vous n'avez pas dansé ; nous avons entonné des lamentations et vous n'avez pas pleuré". De fait, est venu Jean qui ne mange ni ne boit, et cette génération dit : "Il peut agir ainsi, car il a le démon qui l'aide". Le Fils de l'homme est venu, qui mange et boit, et ils disent : "C'est un gros mangeur et un buveur, ami de publicains et de pécheurs"[19].
    Et Jésus prolonge sa comparaison : "En vérité je vous le dis que seuls les tout petits savent reconnaître la vérité parce qu'il n'y a pas de malice en eux."  Jaïre rappelle à propos que sa fille a su voir ce que les villes des alentours n'ont pas su voir. Les habitants présents protestent. Jésus formule alors son imprécation contre Bethsaïde, Chorazine et Capharnaüm car "le don de Dieu ne doit jamais être méprisé ni servir à faire du mal, mais il rajoute: "Cependant, puisque Dieu est juste, pour ceux de Capharnaüm, de Bethsaïde et de Chorazeïn qui ont cru et se sanctifient en obéissant à ma parole, on usera d'une grande miséricorde. Car il n'est pas juste que les justes soient englobés dans la ruine des pécheurs[22]."

    L'exultation[modifier | modifier le wikicode]

    Dans le soir qui s'approche, Jésus cite des enfants de son entourage qui "sont sans malice voient déjà Dieu" et dont la foi pure "travaille en eux, unie à la sagesse céleste et au désir de charité que les adultes ne possèdent pas."

    C'est alors l'exultation que Jésus prolonge au-delà des trois versets de l'Evangile de Matthieu[23]:
    "Je te remercie, ô Père, Seigneur du Ciel et de la Terre, d'avoir caché ces choses aux sages et aux savants et de les avoir révélées aux petits. C'est ainsi, Père, parce que c'est ainsi qu'il t'a plu de le faire. Tout m'a été remis par mon Père, et personne ne le connaît en dehors du Fils et de ceux auxquels le Fils aura voulu le révéler. Et Moi, je l'ai révélé aux petits, aux humbles, aux purs, car Dieu se communique à eux, et la vérité descend comme une semence sur les terres libres, et sur elle le Père fait pleuvoir ses lumières pour qu'elle s'enracine et produise une plante. En vérité le Père prépare ces esprits de ceux qui sont petits par l'âge ou par leur volonté pour qu'ils connaissent la vérité et que j'aie la joie de leur foi.[24]"

    L'apport du récit de Maria Valtorta[modifier | modifier le wikicode]

    L’exégèse moderne voit dans Matthieu 11 un assemblage de péricopes distinctes, réunies autour du thème de la réponse humaine à Jésus (accueil ou refus). Le texte est souvent perçu comme un "dossier thématique" plutôt qu’une unité narrative cohérente.

    Le récit de Maria Valtorta restitue au contraire une unité narrative organique en contextualisant les événements dans un cadre de temps et d’espace définis (été, Capharnaüm, présence de Matthieu blessé, arrivée des émissaires de Jean-Baptiste). Elle humanise les personnages et les situations Le texte n’est plus un collage, mais un récit vivant, où chaque élément s’éclaire mutuellement. La question de Jean, l’éloge de Jésus, la parabole des enfants, les malédictions contre les villes, et l’exultation finale forment un tout cohérent, centré sur la réponse de foi et la violence spirituelle nécessaire pour entrer dans le Royaume.

    La question de Jean n’est pas un doute, mais un acte d’humilité et de confiance, et la réponse de Jésus est une invitation à voir la vérité dans ses œuvres et dans l’amour. La notion de "violence" est réhabilitée comme une vertu spirituelle, une force de l’âme nécessaire pour surmonter les obstacles et adhérer pleinement au Royaume. L’exultation n’est pas seulement une prière, mais une pédagogie de la foi : Dieu se révèle à ceux qui sont disponibles, et cette révélation est source de joie pour le Christ lui-même.

    Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

    1. "ἀπὸ δὲ τῶν ἡμερῶν Ἰωάννου… ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν βιάζεται, καὶ βιασταὶ ἁρπάζουσιν αὐτήν."
    2. Matthieu 11,2.
    3. Matthieu 10,17-23.
    4. "Efforcez vous d’entrer par la porte étroite" (cf. Matthieu 7,13-14).
    5. Matthieu 10,1-42 | Marc 6,7-13 | Luc 9,1-6 | EMV 265.
    6. La tradition chrétienne et les exégètes bibliques estiment généralement que la décapitation de Jean-Baptiste a eu lieu vers l'anniversaire d'Hérode Antipas, probablement entre la fin du mois d'août et le début du mois de septembre.
    7. EMV 266.1.
    8. Jésus le charpentier (Marc 6,3) et Paul le fabricant de tentes (Actes 18,3 | Actes 20,34) sont des exemples typiques, non des exceptions. Ce fut le cas des apôtres.
    9. EMV 121.5.
    10. EMV 266.4.
    11. Principalement Isaïe 35,5-6, mais aussi Isaïe 29,18-19 et Isaïe 61,1. Jésus avait déjà annoncé dans la synagogue de Nazareth l'accomplissement d'Isaïe 61,1-2 (Cf. Luc 4,16-21 | EMV 106.2).
    12. La résurrection est celle de la fille de Jaïre.
    13. EMV 266.7.
    14. Jésus, à Capharnaüm, est hébergé chez un certain Thomas et sa femme, probablement de sa parenté éloignée.
    15. EMV 266.8.
    16. EMV 266.9.
    17. Ce point (lui homme) qui est omis dans le récit de Matthieu (v. 11,11) donne toute sa cohérence à l'affirmation.
    18. "violento" dans le texte original. Une autre traduction aurait pu être "inflexible", mais le mot "violent" porte en lui l’idée de radicalité spirituelle. Dans ce contexte, il s’agit d’une violence contre soi-même (ascèse, renoncement, combat intérieur) et contre le Mal (une détermination sans compromis pour atteindre le Royaume).
    19. 19,0 19,1 et 19,2 EMV 266.12.
    20. Conformément à la prophétie de Malachie 3,1 qu'il avait citée et surtout de Malachie 3,23-24.
    21. Cet Élie qui doit revenir est dit en Matthieu 3,2-3. Jean-Baptiste est également comparé à Élie en EMV 81.5 ("Il est, par sa mission, l’égal d’Elie") et en EMV 349.8 et sa note.
    22. EMV 266.13.
    23. Matthieu 11,25-27.
    24. EMV 266.14.