Communiqué du Dicastère pour la Doctrine de la foi sur Maria Valtorta du 22 février 2025
Le 22 février 2025 paraît, d'abord en italien, un communiqué de presse du Dicastère pour la doctrine de la foi (DDF) "À propos des écrits de Maria Valtorta". Cette annonce a pour but de répondre à la demande croissante de fidèles et de prêtres pour connaître la position de l’Église sur les écrits de Maria Valtorta. L'intention du DDF dans cette annonce est sujette à discussion en raison de la brièveté du document et d'une formule équivoque.
Chronologie brève[edit | edit source]
1948 : audience privée avec Pie XII qui encourage la publication telle quelle des écrits de Maria Valtorta.
1959 : mise à l'Index des livres prohibés pour défaut d'imprimatur.
1966 : abolition de l'Index, les fidèles gardent le devoir "de se garder contre les écrits qui peuvent mettre en danger la foi et les bonnes mœurs"[1].
1992 : lettre de Mgr Tettamanzi, secrétaire général de la Conférence Épiscopale italienne (CEI), à l'éditeur des écrits de Maria Valtorta, acceptant la réimpression des livres, à condition d'informer les lecteurs "qu'on ne doit pas les considérer d'origine surnaturelle".
2025 : Communiqué du Dicastère pour la foi.
Composition du document[edit | edit source]
L'annonce du Dicastère se compose de trois parties :
- La première est la motivation de la publication : celle d'un afflux de demandes, tant d'ecclésiastiques que de laïcs, pour connaître la position de l’Église sur L’Évangile tel qu’il m’a été révélé et " d'autres publications."
- La deuxième partie est l'exposé de la "position" : Sans citer de sources, le communiqué de presse déclare qu'on ne peut considérer les écrits de Maria Valtorta comme surnaturels, mais qu'ils doivent être considérés comme des formes littéraires de celle-ci pour raconter à sa manière la vie de Jésus.
- La troisième partie est une justification : dans sa longue tradition, rappelle-t-il, l’Église ne reconnaît comme normatifs et sûrs que les "Évangiles inspirés" (canoniques).
Réception[edit | edit source]
L'intention exacte de cette annonce interroge les catholiques, plusieurs hypothèses émergeant, celle d'une condamnation définitive, position spontanément adoptée par la presse catholique, et celle d'une recommandation à la prudence en l'absence d'une étude procédurale effectuée, hypothèse partagée par les associations valtortiennes.
L'hypothèse de la condamnation définitive, formulée par l'agence de presse romaine I.MEDIA dans sa dépêche du 4 mars 2025 et relayée telle quelle dans plusieurs media français, ayant pour but de mettre en perspective le communiqué du Dicastère, s'appuie sur une interprétation stricte du communiqué de la DDF, et la mise en continuité de différentes positions officielles (dont un amalgame préjudiciable à l'Histoire[2]), depuis la mise l'Index par le Saint Office en 1959, qui donnerait la justification de la condamnation, jusqu'au présent communiqué.
A noter que le 17 mars 2025, l'agence I.MEDIA corrige sa dépêche[3], en s'excusant de propos allégués faussement au Cardinal Ratzinger, et la renvoie à ses abonnés, mais rares sont les medias français qui prennent en compte ce correctif.
Pour l'hypothèse de la recommandation de prudence, les arguments principaux sont les suivants :
- Le Communiqué n'apporte pas les preuves exigées par les Normes procédurales pour le discernement de phénomènes surnaturels présumés, récemment publiées (17 mai 2024) par ce même Dicastère.
- Il exprime une position n'apportant rien de nouveau par rapport à la position exprimée par Mgr Dionigi Tettamanzi, alors secrétaire de la conférence épiscopale d'Italie (CEI) dans sa lettre du 6 mai 1992 à l'éditeur, et ne serait ainsi qu'un rappel de la position officielle de l'Eglise, sans qu'elle se soit mise à jour des derniers travaux effectués sur les écrits de Maria Valtorta.
- Cette déclaration est motivée par l'afflux des demandes d'information mais non par une étude procédurale quelconque, aucune n'étant mentionnée.
Analyse du document[edit | edit source]
Un bref communiqué de presse pour répondre aux demandes[edit | edit source]
Dans la liste officielle des documents du Dicastère, les comunicato (communiqués de presse) se limitent généralement à des annonces brèves, tandis que les notes développent les décisions du Dicastère, comme en témoigne la Note sur l’expérience spirituelle liée à Medjugorje. Lorsqu’il s’agit de phénomènes surnaturels présumés, les notes incluent habituellement deux éléments clés : d’une part, des références précises à des procédures identifiées et datées ; d’autre part, des mentions explicites issues des normes applicables. Le communiqué du Dicastère pour la foi sur Maria Valtorta se limite à évoquer un afflux de demandes au sujet de la position de l’Église par rapport aux écrits valtortiens et ne se réfère à aucune analyse ou procédure antérieure.
Absence d'une étude préalable ou de motifs explicites[edit | edit source]
La Fondation Maria Valtorta (de Viarregio) note dans son communiqué de presse du 23 février 2025, que l'absence d'étude exhaustive réalisée sur les écrits de Maria Valtorta prive l’Église de pouvoir se prononcer d'une autre manière qu'elle l'a fait . Elle estime donc que ce communiqué exprime un avis en amont du dispositif."Nous savons que l'origine surnaturelle possible des œuvres de Maria Valtorta n'a pas encore été pleinement étudiée par l'Église, qui ne peut donc que se prononcer comme elle l'a fait."Pour François-Michel Debroise dans l'article qu'il lui consacre, ce communiqué ne peut se rattacher aux Normes procédurales qu'il ignore sur plusieurs points, notamment l'absence des preuves concrètes en cas d'un constat de non-surnaturalité. Il estime donc que cette communication veut solennellement dire autre chose aux lecteurs de Maria Valtorta.
Olivier Bonnassies dans son article[4] note que la dernière enquête de l'Église remonte à 1959 avec la mise à l'Index qu'il explique par le contexte de l'époque et dont il signale, à l'aide d'exemples, le caractère faillible et réversible.
Une reprise d'une position antérieure[edit | edit source]
Pour sa part, la Fondation héritière de Maria Valtorta (Isola del Liri) note dans son communiqué du 6 mars 2025, qu'il s'agit d'une expression reprise d'un courrier qu'elle avait reçu le 6 mai 1992, 33 ans plus tôt, en tant qu'éditrice des œuvres de Maria Valtorta[5]. Ce courrier de Mgr Tettamanzi, secrétaire général de la CEI, ne portait aucune condamnation, mais une demande de publier une note informative au début de chaque tome, dans le cas de la réimpression des écrits de Maria Valtorta :Conférence Épiscopale Italienne | Prato N. 324/92 | Rome, le 6 mai 1992 Très cher Éditeur, [...] C'est dans un esprit de véritable bien pour les lecteurs et dans l’optique d’un authentique service à la foi de l'Église que je vous demande, dans le cas d'une éventuelle réimpression des volumes, d'indiquer clairement dès les premières pages que les "visions" et "dictées" auxquelles il est fait référence ne peuvent être considérées comme d'origine surnaturelle, mais doivent être perçues simplement comme des formes littéraires utilisées par l'Auteure pour raconter, à sa manière, la vie de Jésus.L'éditeur Emilio Pisani, à l'époque, avait répondu n'être pas habilité à rédiger une telle note, mais qu'il était prêt à insérer celle que la CEI lui donnerait. Cette dernière ne lui en fournit aucune dans un délai de trente ans.
Dans une interview donnée en 2023, Mgr Paolo Giuletti, évêque de Lucques, sous la juridiction duquel tombent les révélations privées de Maria Valtorta en tant qu'ordinaire du lieu (cf. CIC n°134), interprétait cette lettre de la CEI comme la volonté de signifier que les écrits de Maria Valtorta ne pouvaient pas se comparer aux évangiles canoniques, et non comme une condamnation express[6].
Élargissement du contexte[edit | edit source]
Condamnation ou lecture prudentielle ?[edit | edit source]
François-Michel Debroise note que si la volonté du Dicastère était de condamner, il aurait employé une formulation claire qui exprime ses motivations. Au contraire, dans le texte de 1992 repris par celui de 2025, il y une nuance qui, selon ce commentateur, est plus conforme à l'objet du communiqué : s'adresser aux lecteurs dans les deux cas. Il l'interprète comme la "lecture prudentielle" évoquée par les Normes procédurales[7] et par la tradition constante de l'Église en cette matière :"Cette distinction entre condamnation et lecture prudentielle est essentielle pour comprendre la position de l'Église face aux écrits de Maria Valtorta. [...] La nuance entre "ne sont pas d'origine surnaturelle" et "ne peuvent être considérées comme d'origine surnaturelle" traduit un choix délibéré de prudence ecclésiale. La première formulation relèverait d’un jugement définitif et catégorique, tandis que la seconde laisse place à une appréciation personnelle dans le cadre de la doctrine catholique.
L'encouragement du Pape François[edit | edit source]
Dans son communiqué du 23 février 2025, la Fondation Maria Valtorta (de Viarregio) souligne que le communiqué du DDF n'interdit ni décourage la lecture des ouvrages de Maria Valtorta. Elle fait mémoire du contenu d'une lettre d'encouragement du Pape François, datée du 24 février 2024, et reçue en réponse à l'envoi de deux tomes de L'Évangile tel qu'il m'a été révélé. Le Pape ne se prononce pas sur l'origine de l'œuvre, mais encourage la Fondation à poursuivre son travail de faire connaître la vie et l’œuvre de Maria Valtorta, "en particulier tout ce qu’elle peut offrir pour le bien de l’Église et de la société".
L'hypothèse romanesque[edit | edit source]
Dans son interview du 17 avril 2023[6], Mgr Paolo Giuletti estime que Maria Valtorta n'aurait pas pu inventer tout ce qu'elle écrit :de nombreux signes indiquent que les écrits de Maria Valtorta ne peuvent provenir uniquement d’elle et de ses connaissances historiques et bibliques limitées : ce qu’elle écrit, dans certaines parties, ne peut pas être simplement d’origine naturelle.Olivier Bonnassies met en avant les témoignages de personnalités importantes de l’Église, ainsi que les travaux historiques et scientifiques menés sur les données remarquables. Il se demande comment tout cela pourrait être l'œuvre "d'une romancière très imaginative".
Il rappelle que si les écrits de Maria Valtorta touchent un public de plus en plus large, ils suscitent aussi de vives réactions. Il établit un parallèle avec Medjugorje, longtemps combattu et déclaré non surnaturel avant de recevoir, en 2024, le plus haut degré d’approbation possible selon les nouvelles normes. Un rapprochement qui ne lui est pas propre, puisqu’il est également évoqué dans le communiqué de presse de la Fondation Maria Valtorta (Viareggio)
Des fruits importants[edit | edit source]
Des fruits de conversion sont mentionnés dans la conclusion du communiqué de presse de Fondation héritière de Maria Valtorta (Isola del Liri)"Nous observons, sur la base des témoignages qui nous parviennent du monde entier, tant de simples fidèles que d’ecclésiastiques, que les écrits de Maria Valtorta constituent une lecture spirituelle qui apporte un grand bénéfice à l’Église et à la communauté non seulement chrétienne, étant donné le nombre élevé de conversions qu’ils suscitent."
Les fruits de la vie chrétienne constituent l'un des quatre critères positifs, qui ne doivent pas être négligés dans le discernement d'après l'article 14 des Normes procédurales pour le discernement de phénomènes surnaturels présumés
Notes et références[edit | edit source]
Principaux documents évoqués[edit | edit source]
Documents du Dicastère
- Liste complète des documents
- Communiqué de presse sur les écrits de Maria Valtorta
- Normes procédurales pour le discernement des phénomènes surnaturels présumés
Fondations
- Communiqué de presse de la Fondation Maria Valtorta (Viareggio)
- Communiqué de presse de la Fondation héritière de Maria Valtorta (Isola del Liri) (FHMV)
Experts
- Olivier Bonnassies - La sélection du jour
- François-Michel Debroise - Commentaires sur le communiqué de presse du Dicastère (22/2/2025)
- Edifiant. fr - Communiqué du Dicastère pour la Doctrine de la foi sur les textes de Maria Valtorta (22 février 2025)
Notes[edit | edit source]
- ↑ Notification sur la suppression de l'index des livres interdits
- ↑ Selon le site Edifiant.fr, il s'agit d'un amalgame qui attribue au cardinal Ratzinger les propos polémiques d'un jésuite, le P. Caprile. Selon lui, les écrits de Maria Valtorta sont : "un ensemble de fantaisies enfantines, d’erreurs historiques et exégétiques, le tout présenté dans un contexte subtilement sensuel”.
- ↑ https://imedia.news/les-revelations-de-maria-valtorta-ne-sont-pas-surnaturelles-mais-litteraires-affirme-le-saint-siege/
- ↑ "Maria Valtorta, grande visionnaire ou romancière exceptionnelle"
- ↑ Les œuvres sont éditées par le Centro editoriale valtortiano (CEV) qui était confondu à l'époque avec les activités qui amèneront la création distinctes d'une Fondation.
- ↑ 6,0 et 6,1 Interview de Mgr Paolo Giulietti du 17 avril 2023
- ↑ Normes procédurales, note 24 citant Verbum Domini § 14 de Benoît XVI.