Confession et primauté de Pierre à Césarée de Philippe
La primauté de Pierre, qui fonde la prééminence doctrinale du pape dans la succession apostolique, est rapportée par Matthieu: "Et moi, lui dit Jésus, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église [...] Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux." Cela fait suite à la déclaration spontanée: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ![1]". Le récit de Marc est plus bref[2], les autres évangélistes ne l'évoquent pas.
Signification théologique[modifier | modifier le wikicode]
Dans la Tradition[modifier | modifier le wikicode]
Dans la Tradition classique, les commentateurs soulignent que Pierre est le premier à exprimer explicitement la messianité et la filiation divine de Jésus: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant". Sa primauté vient de cette antériorité et de la clarté de sa confession[3]. La théologie catholique insiste[4] sur le fait que cette connaissance ne vient pas "de la chair et du sang", mais d’une révélation divine. Pierre est choisi non par mérite humain, mais par grâce. Ainsi donc l’Église est fondée sur deux piliers: la personne de Pierre, soutenue par sa foi, devient la pierre (roc) de l’Église. Traditionnellement Pierre est vu comme le chef des apôtres, ferme dans la confession, certes, mais aussi fragile (il reniera). Son rôle est surtout lu comme une clé institutionnelle. Enfin Jésus impose le secret messianique: "Ne dites à personne que je suis le Christ". La Tradition y voit une pédagogie : l’heure n’est pas encore venue de proclamer sa messianité ouvertement.
Dans Maria Valtorta[modifier | modifier le wikicode]
Chez Maria Valtorta, l’épisode de Césarée de Philippe met en lumière une théologie de la primauté qui repose moins sur la chronologie des confessions (le premier à parler) que sur la qualité de la foi : une foi simple, stable, née d’une grâce intérieure accueillie sans résistance. Pierre devient chef non parce qu’il a dit avant les autres, mais parce qu’il a cru plus profondément, d’un acte qui engage toute son humanité et dont ses pleurs (dans le récit de Maria Valtorta) témoignent la vérité.
En effet, avoir parlé le premier n'est pas suffisant car l'identité divine de Jésus a déjà été proclamée:
- Le Père le fait au Jourdain: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé"[5],
- Jean-Baptiste le désigne comme "l’Agneau de Dieu"[6],
- Nathanaël, dès sa rencontre avec Jésus, s'exclame: "C'est toi le Fils de Dieu[7]".
Pierre reçoit cette certitude sans privilège particulier: quand Jésus lui demande d'aller pêcher[8], il y va malgré la fatigue. Et devant la pêche miraculeuse il ne comprend pas d'emblée ce que lui dit Jésus: "Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras". Au contraire, il le supplie: "Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur". Sa confession de Césarée de Philippe n’est pas le fruit d’un raisonnement ni d’une preuve extérieure, mais de la lumière directe du Père dans une âme droite et simple.
C’est cette foi humble et constante, éprouvée dans la fragilité et confirmée par ses larmes d'émotion, qui fait de Pierre le "roc" choisi par Jésus. La primauté n’apparaît donc pas seulement comme un privilège institutionnel, mais comme la consécration d’une expérience spirituelle personnelle: un homme limité et vulnérable devient chef parce qu’il a cru sans réserve et aimé sans calcul. Cette foi rappelle celle d'Abraham qui devint, pour cette raison, l'origine des croyants[9].
Ainsi, la lecture de Maria Valtorta enrichit l’exégèse classique :
- en confirmant que la foi de Pierre est bien révélation du Père en une âme active et disposée,
- en dépassant l’antériorité matérielle vers l’authenticité spirituelle,
- en mettant en lumière la dimension existentielle, affective et humaine de cette primauté.
- en développant la dimension intérieure de l'annonce messianique: chacun doit laisser Dieu révéler le Christ dans son cœur.
En Matthieu 16,13-20, c'est la primauté doctrinale qui s'exprime. En Jean 21,15-17 ("Sois le pasteur de mes brebis"), Jésus ressuscité lui conférera la primauté pastorale avant de retourner vers son Père.
Dans "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé"[modifier | modifier le wikicode]
Le texte[modifier | modifier le wikicode]
"Et vous, qui dites-vous que je suis ? Dites-le vraiment d'après votre jugement, sans tenir compte de mes paroles et de celles d'autrui. Si vous étiez obligés de me juger, qui diriez-vous que je suis ?"La primauté de Pierre, selon Maria Valtorta, ne s’appuie pas sur une priorité historique mais sur une grâce reçue: la lumière du Père accueillie dans la simplicité d’un cœur fidèle. Ainsi, le fondement de l’Église n’est pas d’abord un privilège, mais une foi authentique qui devient service et autorité dans le Christ."Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" s'écrie Pierre en s'agenouillant, les bras tendus en haut, vers Jésus qui le regarde avec un visage tout lumineux et qui se penche afin de le relever pour l'embrasser en disant :
"Tu es bienheureux, ô Simon, fils de Jonas ! Car ce n'est pas la chair ni le sang qui te l'ont révélé, mais mon Père qui est dans les Cieux. Dès le premier jour que tu es venu vers Moi, tu t'es posé cette question, et parce que tu étais simple et honnête, tu as su comprendre et accepter la réponse qui te venait du Ciel. Tu n'avais pas vu les manifestations surnaturelles comme ton frère et Jean et Jacques. Tu ne connaissais pas ma sainteté de fils, d'ouvrier, de citoyen comme Jude et Jacques, mes frères. Tu n'as pas profité d'un miracle et tu ne m'as pas vu en accomplir, et je ne t'ai pas donné de signe de ma puissance comme je l'ai fait et comme l'ont vu Philippe, Nathanaël, Simon le Cananéen, Thomas, Judas. Tu n'as pas été subjugué par ma volonté comme Mathieu le publicain. Et pourtant tu t'es écrié : "Il est le Christ !" Dès la première heure que tu m'as vu, tu as cru et jamais ta foi n'a été ébranlée. C'est pour cela que je t'ai appelé Céphas, et pour cela c'est sur toi, Pierre, que j'édifierai mon Église et les puissances de l'Enfer ne prévaudront pas contre elle. C'est à toi que je donnerai les clefs du Royaume des Cieux. Et tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les Cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les Cieux, ô homme fidèle et prudent dont j'ai pu éprouver le cœur. Et ici, dès cet instant, tu es le chef auquel il faut donner l'obéissance et le respect comme à un autre Moi-même. Et c'est tel que je le proclame devant vous tous."
Si Jésus avait écrasé Pierre sous une grêle de reproches, les pleurs de Pierre n'auraient pas été aussi forts. Il pleure et éclate en sanglots, le visage sur la poitrine de Jésus. Des pleurs qui n'auront leur égal que dans ceux incoercibles de sa douleur d'avoir renié Jésus. Maintenant ce sont des pleurs faits de mille sentiments humbles et bons... Un peu encore de l'ancien Simon le pêcheur de Bethsaïda qui, à la première annonce de son frère, avait dit e parfait amour, arrivent à savoir le vrai sens des mots : "Jésus, le Christ, le Verbe, le Fils de l'homme et de Dieu" en riant : "Le Messie t'apparaît !... Vraiment !" incrédule et plaisant - mais un peu de l'ancien Simon s'effrite sous ces pleurs pour faire apparaître, sous la couche mince de son humanité, toujours plus nettement le Pierre, Pontife de l'Église du Christ.
Quand il lève son visage, timide, confus, il ne sait faire qu'un geste pour dire tout, pour promettre tout, pour se donner tout entier à son nouveau ministère : celui de jeter ses bras courts et musclés au cou de Jésus et de l'obliger à se pencher pour l'embrasser, en mêlant ses cheveux et sa barbe un peu hérissés et grisonnants, aux cheveux et à la barbe soyeux et dorés de Jésus, le regardant ensuite d'un regard adorant, affectueux, suppliant de ses yeux un peu bovins, luisants et rougis par les larmes qu'il a versées, en tenant dans ses mains calleuses, larges; épaisses, le visage ascétique du Maître penché sur le sien, comme si c'était un vase d'où coulait une liqueur vivifiante... et il boit, boit, boit douceur et grâce, sécurité et force, de ce visage, de ces yeux, de ce sourire...
Ils se séparent enfin, reprenant leur route vers Césarée de Philippe et Jésus dit à tous :
"Pierre a dit la vérité. Beaucoup en ont l'intuition, vous vous la connaissez. Mais vous, pour l'instant, ne dites à personne ce qu'est le Christ[10], dans la vérité complète qui vous est connue. Laissez Dieu parler dans les cœurs comme il parle dans le vôtre. En vérité je vous dis que ceux qui, à mes affirmations et aux vôtres apportent la foi parfaite et le parfait amour, arrivent à savoir le vrai sens des mots : "Jésus, le Christ, le Verbe, le Fils de l'homme et de Dieu[11]".
Le "roc" n’est pas l’homme qui parle le premier, mais celui dont la foi est éprouvée, humble et vraie. La primauté de Pierre manifeste que l’autorité dans l’Église procède de la révélation du Père et se vérifie dans la constance de l’amour.
La lecture de cet épisode de Maria Valtorta éclaire Matthieu 16 : l’Église se bâtit non seulement sur la confession de Pierre, mais sur la qualité spirituelle de cette foi, reçue sans signe ni preuve. La primauté apparaît alors comme la consécration d’une foi qui s’abandonne totalement à Dieu.
Notes et références[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Matthieu 16,13-20.
- ↑ Marc 8,27-30.
- ↑ Saint Jean Chrysostome: Homélie 54 sur Matthieu 16,13-24.. Pour saint Augustin, cette confession est "le fondement de l’Église".
- ↑ Saint Léon le Grand: "Cette révélation n’est pas la chair ni le sang, mais le Père qui est dans les cieux".
- ↑ Matthieu 3,17.
- ↑ Jean 1,29.
- ↑ Jean 1,49.
- ↑ Luc 5,4-11.
- ↑ Genèse 22 | Hébreux 11,8-10.
- ↑ "Ne dites à personne" est une recommandation de Jésus qui se retrouve à d’autres occasions. On l'appelle "le secret messianique". Il est essentiellement présent dans l'Evangile de Marc alors que ceux de Matthieu et de Luc sont plus explicite sur la messianité et que Jean le proclame.
- ↑ EMV 343.5/7.