Correspondance de Maria Valtorta avec le Père Romualdo Migliorini
![]() | |
Détails de l'œuvre | |
---|---|
Auteur | Maria Valtorta, Père Romualdo M. Migliorini |
Titre complet | Correspondance avec le père Migliorini |
Pages | 189 |
Parution | Janvier 2023 |
Éditeur | Centro editoriale valtortiano |
ISBN | 978-88-7987-395-6 |
Distribution | Librairie - vente en ligne - Site de l'éditeur |
Première édition en italien | |
Titre | Lettere a Padre Migliorini |
Parution | 2011 |
Éditeur | Centro editoriale valtortiano |
Traduction française | |
Traducteur | Yves d'Horrer |
|} Le père Romualdo Maria Migliorini est né le 21 juin 1884 à Volegno di Stazzema (Lucques), aujourd'hui un village d'une soixantaine d'habitants dans la montagne toscane. Il a été missionnaire au Canada et en Afrique du Sud, où il avait la charge de préfet apostolique. Rentré en Italie en 1939, il a été envoyé à Viareggio comme prieur de la communauté locale des servites de Marie, qui avaient la charge (comme aujourd'hui encore) de la paroisse sant’Andrea.
Lorsqu'il apprit que Maria Valtorta - qui appartenait à la paroisse San Paolino - cherchait un directeur spirituel, il alla lui rendre visite. Il occupa cette fonction en 1942.
Ce fut le père Migliorini qui invita Maria à écrire son autobiographie, qui lui fournit les cahiers manuscrits et les transcrivit sur des copies dactylographiées.
Après peu de temps, Maria apprit tristement que le père commençait à distribuer des fascicules avec des extraits des visions et des dictées.
Ce fut le début d'un conflit spirituel qui les a amenés à interrompre leur relation en l946.
Le père Romualdo M. Migliorini est mort le 10 juillet 1953, quelques mois après la dernière qu'il écrivit à Maria Valtorta.
Sommaire de l'ouvrage
Après une introduction présentant les rapports entre Maria Valtorta et le père Romualdo M. Migliorini, l'ouvrage présente la correspondance dans l'ordre chronologique du 29 octobre 1943 au 6 octobre 1952. Un répertoire des principaux personnages cités, clos l'ouvrage.
Texte de la première lettre
Dans cette prise de contact avec son directeur spirituel, Maria Valtorta décrit sa vie de solitude affective et son don victimal qui marquera profondément sa spiritualité. Elle pense vivre ses "derniers moments de vie mortelle". Elle deviendra plus prolixe lorsque le père Romualdo Migliorini lui demandera d'écrire, trois mois plus tard, son autobiographie, et dévoilera toute la profondeur de son chemin spirituel.Très révérend Père,Mon caractère est renfermé, timide, peu porté aux épanchements et aux confidences ; à cela s'ajoute que, tout au long de ma vie, j'ai trop souvent été mal comprise et méprisée. Ces deux raisons expliquent ma difficulté à ouvrir mon âme autant que je le voudrais à une personne qui, par son ministère, sa sagesse et sa bonté, pourrait me guider et m'apporter un plus grand réconfort que celui qu'il me donne déjà.
Mais comme je considère souhaitable qu'il règne, entre l'âme et le directeur spirituel, un climat d'ouverture et une connaissance large et sincère, je recours à mon stratagème habituel: l’écriture.
S'il y a bien quelque chose qui m'a longtemps empêchée de changer de directeur spirituel, donc de m'adresser à vous pour vous demander de m'accompagner et de m'apporter une assistance régulière - ce que mon curé de paroisse ne faisait pas -, c'est le fait que ce prêtre connaissait ma maison depuis de nombreuses années et avait pu s'informer auprès de personnes dignes de foi sur mon milieu familial, de sorte qu'il pouvait croire à ce que je lui communiquais de mes combats et de mes épreuves particulières, qui sont pour moi encore plus douloureuses que celles de la maladie.
Ce que je dois vous partager est si triste et si peu crédible que cela me demande un grand effort. Je vous en parle en pleurant, et je prie le Seigneur de vous éclairer pour que vous puissiez entendre la vérité dans mes propos. Car ce que je m'apprête à vous dire est la vérité.
Pardonnez-moi si ma description doit être un peu longue.
Fille unique du meilleur des hommes - il était même trop bon - et de la femme la plus nerveuse, irascible et soupçonneuse qui soit, je n'ai jamais connu de vraie joie. Mes seules joies étaient les brefs moments que je pouvais passer avec mon père. C'est lui, un militaire, qui m'a éduqué l’esprit et le cœur : il m'a montré Dieu dans la nature, dans l'art, dans la beauté, il m'a appris à l'honorer, par la prière, dans les églises et par les œuvres honnêtes de la vie.
Oui, c’est mon père qui m'emmenait à la messe le dimanche et qui, toute sa vie, me demandait matin et soir si j'avais bien fait ma prière. C'était un juste, un homme bon, un travailleur.
Ma mère, au caractère autoritaire exacerbé par une maladie du foie, me traitait avec les mêmes méthodes qu'elle utilisait envers ses élèves.
J’ai toujours tremblé devant ma mère... et j'ai toujours souffert. Néanmoins, jusqu'à mes treize ans j'étais relativement heureuse parce que mon père disposait de toutes ses facultés intellectuelles. Puis il tomba gravement malade... Il guérit, mais c'était un autre homme. Il était devenu un grand enfant qui craignait autant sa femme que moi ma mère, et il n'était plus capable de me consoler ni de me défendre.
Me consoler ! Il me consolait par ses baisers, en mêlant ses larmes aux miennes... et voilà tout. Mes souffrances ne cessèrent d'augmenter.
L’amour s'est brisé... Dieu sait qu'il était juste et bon que j'aie une maison à moi I Mais l’égoïsme des plus proches détruisit même cette joie que Dieu m'avait accordée. Ma santé commença à se détériorer. Dans les premiers temps, mes maladies n'étaient pas seulement physiques, l’esprit aussi tomba malade. Mal aimée et incomprise, je connus le désespoir, je l’avoue et... je ne regrette pas de l’avoir connu : cela me permet de comprendre les désespérés, d'avoir pitié d'eux et de beaucoup prier pour eux.
Mais on finit toujours par obtenir du bon Dieu ce que l'on a demandé avec une intention pure. Et moi, dans mon cher collège, j'avais demandé à Jésus d'être la sœur d'Agnès, de Cécile, d'Agathe et de Lucie ainsi que de toutes les douces martyres, mortes d'amour pour le Christ plus que sous l'épée des bourreaux.
Et Dieu m'aspira à lui par la plus profonde souffrance de ma vie.
Depuis 1925, je n'ai fait que monter vers Dieu, du moins en désir. Lui seul sait si je me suis élevée plus ou moins bien. J'ai fait de mon mieux et, à en juger par la manière dont Jésus m'a traitée, je suppose que mes offrandes ne lui ont pas été désagréables.
En 1912, dans mon collège, après un cours d'Exercices spirituels, j'écrivis la résolution suivante: "Sacrifice et devoir en tout et à tout moment."
J'y suis restée fidèle, toujours plus fidèle, en particulier après la brève parenthèse de mes vingt ans, qui furent bien sombres.
Voici mes états de service - si je puis dire :
Offrande en victime à l’Amour miséricordieux en 1925, que je n'ai jamais regrettée. Au contraire, plus la croix se fait lourde, plus je suis contente de m'être donnée.
Offrande en victime à la Justice divine et bien que celle-ci, qui a eu lieu en l931, le jour de la fête du très-précieux Sang, ait eu pour conséquence que la douleur s’est abattue sur moi de toute sa force, je le répète : je ne l’ai jamais regrettée.
Mes autres vœux, vous le comprenez bien, sont tombés à l’eau par la force des choses... Amen.
Mais celui de la souffrance demeure et comble mon désir candide de collégienne: il fait de moi une sœur d'Agathe, d'Agnès, de Cécile et de Lucie. Surtout, il me crucifie comme Jésus, qui n'a jamais été à mes yeux autant Roi et jésus que sur la croix.
Soyez-en sûr, mon Père, la souffrance ne me fait pas peur; c'est au contraire ma joie, mon trésor le plus cher, et plus ma chair est tenaillée par mille douleurs, plus je m'exclame : "Encore ! Encore !"
La veille d'anniversaires qui me sont chers, je demande souvent à Jésus, à Marie, à Joseph et aux saints que j'aime le plus : "Quel cadeau de souffrance ailez-vous m'apporter demain ?" Et je suis heureuse quand, le lendemain, je souffre davantage.
Je supporte assez bien les souffrances morales aussi, mais moins bien que celles du corps. Et seul le ciel sait combien nous avons de souffrances morales, nous les malades chroniques...
Il n'y a qu'une sorte de peines morales que je supporte vraiment mal: ce sont celles qui viennent des désaccords familiaux, des incompatibilités et des injustices familiales.
Je ne sais si vous vous êtes rendu compte du caractère difficile et exigeant de ma mère, caractère que l'âge a rendu toujours plus irascible et soupçonneux. C’est la cause de scènes infinies entre elle et Marta, ainsi qu'entre elle et moi, parce que j'essaie de rectifier les choses avec justice. À entendre ma mère, Marta serait presque une délinquante. Mais moi, je me souviens du nombre incalculable de domestiques qui ont servi à la maison, je sais comment même moi, malgré toute mon affection et ma serviabilité, je n'arrive pas à satisfaire Maman, et je vois bien ce que fait Marta: les courses, les travaux domestiques, des charges de toutes sortes, et cela avec sérieux, honnêteté et capacité, pour le salaire plus que modique de 50 lires par mois[1]. Je dis 50, mais quand je pense à tout cela, et que je réalise que si Marta se fatigue, je devrais aller à l’hôpital et Maman à l'hospice - car nous ne trouverions personne qui demande aussi peu en ayant toutes les qualités requises et que Marta possède -, j'affirme en toute vérité que Marta est une brave fille, affectueuse, et qu'elle ne mérite pas les mauvais traitements continuels que ma mère lui inflige et que Marta supporte par amour et pitié pour moi. Cela me fait beaucoup souffrir. Souffrir parce que je vois Marta pleurer; souffrir parce que cette mauvaise humeur n'est évidemment pas opportune pour un malade ; souffrir parce que, si j'interviens pour rectifier les choses, il s'abat sur moi une grêle injuste et fort douloureuse de reproches, d'affronts, de mots durs, et ainsi de suite. Et j'en souffre tellement que cela empire mon état physique.
Certaines fois je me maîtrise, mais cet effort me provoque des congestions dangereuses I d'autres fois, comme mercredi 28, je n'arrive pas à me dominer et je suis prise par une crise paroxystique d'une sorte de délire, qui s'achève en forte attaque cardiaque, ce qui est très dangereux.
Voilà: vous me connaissez mieux désormais et vous pouvez mieux me guider et me consoler. Croyez-moi, mon Père. Je n'ai rien exagéré; au contraire j'ai beaucoup atténué la triste réalité qui entoure mes derniers moments de vie mortelle. Priez pour moi et bénissez-moi.
Maria Valtorta
Viareggio, le 29-10-1942
Notes et références
- ↑ À cette époque, les salaires journaliers pour un travailleur manuel étaient souvent autour de 40 à 60 lires. Ce qui veut dire qu'avec un salaire de 50 lires par jour, un travailleur moyen pourrait subvenir à ses besoins alimentaires de base, mais aurait eu des difficultés à faire face à d'autres coûts, notamment ceux liés aux vêtements ou au logement.